La nomination d’Amira Elghawaby au poste d’émissaire fédéral la lutte contre l’islamophobie malgré ses préjugés contre les Québécois-es, qu’elle dépeint comme plus susceptibles d’éprouver des sentiments anti-Islam, a marqué la rentrée parlementaire 2023. D’un côté, l’Assemblée nationale s’est empressée de forger un consensus auquel tous les partis politiques, y compris le Parti libéral du Québec et, après quelques jours de réflexion, Québec solidaire se rallient afin d’exiger son départ. Les conservateurs fédéraux et le Bloc abondent en ce sens. De l’autre, les libéraux fédéraux et le NPD appuient Mme Elghawaby et estiment que ses excuses sont suffisantes.
Il n’en faut pas plus pour que les deux camps se crispent et que les oppositions se cristallisent. Les partisans de Mme Elghawaby concluent que le Québec est islamophobe et réactionnaire tandis que le camp nationaliste québécois estime qu’un affront au Québec justifie une alliance y compris avec la CAQ et d’autres forces réactionnaires.
Or, derrière cet écran de fumée, la situation est plus complexe et il apparait clair que la classe dirigeante se saisit de cette situation pour forcer le débat sur le terrain qu’elle domine. Il ne s’agit pas d’un débat entre progressistes et réactionnaires. D’ailleurs, Mme Elghawaby elle-même n’a rien de progressiste, comme en témoignent ses fréquentations douteuses avec des personnalités sionistes.
Il s’agit en définitive d’un débat purement identitaire entre le multiculturalisme libéral et le nationalisme étroit. Les deux sont l’avers et l’envers d’une même médaille visant à attiser les flammes d’une “guerre civile” au sein des masses laborieuses. Aux deux, les communistes opposent l’internationalisme et l’unité de la classe ouvrière.
Dans un cas, il s’agit d’exclure, sous prétexte de défendre une nation idéalisée (souvent basée sur des questions comme la “race”, des “valeurs” immuables, ou la religion), les personnes issues de l’immigration et leur nier le statut de “citoyens”. Dans l’autre, il s’agit de nier l’existence même d’une nation civique et universelle au profit d’une mosaïque de “communautés” ethnico-religieuses avec leurs représentants officiels dont l’appartenance à celle-ci conditionne la citoyenneté.
Choisir entre l’un et l’autre revient à devoir choisir entre le nationalisme de soutane de Duplessis et le confessionnalisme dont l’exemple le plus poussé est celui du Liban actuel.
Dans les deux cas, il s’agit de miner la fraternité de classe si nécessaire dans notre combat quotidien, soit en entreprise, soit sur nos lieux d’études ou de travail. Il s’agit également de la miner à long terme et de remplacer la conscience de classe par une conscience nationale ou communautaire, empêchant ainsi la formation d’une conscience de classe.
Communistes, depuis le regain manifeste du nationalisme étroit au Québec au cours des dernières années, nous avons toujours été clairs sur ce genre de questions identitaires. Notre principe de base est de garantir l’unité la plus ferme de la classe ouvrière contre ses exploiteurs d’où qu’ils viennent et qui qu’ils soient. Ainsi, nous avons autant condamné la Charte des valeurs québécoises du gouvernement Marois et la Loi 21 de la même façon que nous nous sommes opposés à ceux et celles qui s’en servent comme instrument pour nier le droit à l’autodétermination du Québec.
Jamais nous n’avons opposé un droit démocratique fondamental à un autre, les deux étant essentiels à l’unité profonde de la classe ouvrière dans toute sa diversité. La seule fracture fondamentale de la société demeure celle entre le patronat et le salariat, la bourgeoisie et le prolétariat. Le reste est relatif à cette dernière.