Le fait central de la vie politique au Canada est que le pouvoir de l’État se trouve entre les mains du capital financier canadien. Dans la société capitaliste, les propriétaires des moyens de production à grande échelle, le commerce et la finance contrôlent l’appareil d’État, à savoir : les forces armées, la police, le système judiciaire et la fonction publique. L’État capitaliste est donc un instrument de domination de classe. Une petite minorité – la classe exploiteuse – règne en fait sur la grande majorité de la population qui crée toutes les richesses et fournit tous les services.
Par le passé, le peuple canadien a mené une lutte révolutionnaire pour la démocratie : pour des institutions représentatives, le suffrage universel et les libertés populaires. En 1837, des soulèvements populaires anticoloniaux, menés par les forces démocratiques du Canada français et anglais se produisent contre l’administration coloniale et les couches réactionnaires et privilégiées (le Pact de famille dans le Haut-Canada et la Clique du Château dans le Bas-Canada). Lesquels sont suivis par le soulèvement révolutionnaire des Métis et des peuples autochtones dans l’Ouest. Mais ces luttes, qui ont lieu avant et pendant la période de naissance du capitalisme industriel au Canada, ouvrent la voie au développement de l’industrie et à la domination politique de la classe capitaliste canadienne.
Toujours en possession de la « prérogative royale » encore mal définie, l’État canadien porte l’empreinte de son origine coloniale, c’est-à-dire le maintien d’un monarque d’un autre pays à la tête de l’État. Les membres du Sénat continuent d’être nommés parmi la classe privilégiée.
Au moment de la Confédération, le gouvernement britannique confirme la revendication des capitalistes canadiens à la souveraineté législative du Canada, tandis que ces derniers s’engagent, en retour, à maintenir le dominion au sein de l’Empire. Il en résulte alors des obligations envers les politiques étrangères et les guerres britanniques, et l’acceptation du rôle du Canada en tant que fournisseur de matières premières.
Avec la croissance du monopole capitaliste, le nationalisme bourgeois canadien commence à s’affirmer. En 1931, le Statut de Westminster déclare « l’égalité de statut » entre les membres du Commonwealth. Mais cette période correspond aussi à l’ascension des États-Unis vers la domination mondiale; et la bourgeoisie canadienne, plus étroitement liée que jamais aux intérêts monopolistes états-uniens, rend le Canada dépendant de l’impérialisme états-unien. Depuis la Seconde Guerre mondiale, ce processus a conduit à l’adoption de mesures d’intégration économique, politique et militaire de grande envergure avec les États-Unis.
En offrant un soi-disant « libre choix » entre les partis politiques représentant les intérêts capitalistes, et grâce à son contrôle sur les organismes qui façonnent l’opinion publique, la classe capitaliste a pu maintenir son pouvoir de classe. Cela comprend le financement public des dépenses électorales des plus grands partis politiques, partis qui se ressemblent de plus en plus sur les principales questions qui préoccupent le peuple. En même temps, les plus petits partis, progressistes et révolutionnaires, sont marginalisés ou carrément exclus de la scène électorale. Les politiques importantes et les affaires de l’État se voient graduellement retirées de l’arène parlementaire et décidées, à la place, en coulisse par le conseil des ministres ou ses représentants non élus dans l’appareil d’État, par des juges et des tribunaux nommés, ou conformément aux termes des accords bilatéraux et multilatéraux imposés au peuple canadien. Une tendance antidémocratique semblable existe aux niveaux provincial et municipal. Déjà limitée, la prise de décision démocratique qu’offre la « démocratie parlementaire » bourgeoise s’érode rapidement. Pour toutes ces raisons, les masses laborieuses sont de plus en plus mises à l’écart par la politique bourgeoise.
Alors que la crise économique s’aggrave, le capital financier utilise davantage le pouvoir coercitif de l’État, faisant ainsi tomber le masque de sa neutralité, pour contrecarrer les luttes légitimes du peuple. L’État et ses institutions n’échappent pas aux conflits sociaux : ce dernier constitue une force partisane, active et toujours plus autoritaire au service du capital financier.
L’État intervient encore et encore directement pour bloquer et saper les libres négociations collectives, ainsi que le droit de grève, de piquetage et de syndicalisation. Le recours à la police, aux tribunaux et aux briseurs de grève, contre les lignes de piquetage et les manifestations, ne cesse d’augmenter. Les réformes démocratiques essentielles visant à protéger et à étendre les droits des travailleurs, des femmes, des personnes 2S/LGBTiQ et des immigrants, ainsi qu’à lutter contre le racisme et la discrimination, sont systématiquement bloquées et éliminées. La déréglementation, la privatisation et le démantèlement des lois du travail et des avantages sociaux acquis au cours des dernières décennies sont au cœur de cette offensive.
Cette attaque contre la démocratie se manifeste, en partie, par la monopolisation croissante des médias de masse et par la diminution du soutien de l’État à la culture démocratique canadienne. À cela s’ajoute l’apport massif d’une culture de masse commerciale, provenant surtout des États-Unis et souvent violente. La presse et les médias traditionnels sont la voix du capital financier et des forces de droite. Les grands médias deviennent un instrument toujours plus sophistiqué et plus puissant pour manipuler l’opinion publique, en répétant comme des perroquets la propagande favorable aux monopoles, en filtrant les nouvelles et les analyses contradictoires et en réduisant au silence toute expression d’opposition au capitalisme. Le développement des nouvelles technologies de l’information, telles qu’Internet, crée les conditions d’un flux d’information sans précédent. Cependant, la libre circulation de l’information constitue une menace pour le capitalisme monopoliste d’État et, par conséquent, l’information utile est souvent noyée dans un déluge de publicité commerciale. Le capital financier tente alors de renforcer sa domination et son contrôle effectif sur Internet.
Les porte-paroles de la bourgeoisie font l’éloge de « la primauté du droit ». Ils soutiennent que le Canada est une démocratie exemplaire, dans laquelle tous les citoyens et citoyennes sont égaux devant la loi, protégés par la Charte des droits et libertés. Cette « égalité » capitaliste ne garantit même pas des droits économiques minimaux, encore moins une répartition plus équitable de la production de la société.
Ils omettent cependant de mentionner que cette soi-disant bourgeoisie « démocratique » dirige la grande majorité de la population par le biais d’une dictature économique. La bourgeoisie canadienne prétend avec fierté que le pouvoir judiciaire du gouvernement est indépendant des pouvoirs législatif et exécutif. Or, ce pouvoir judiciaire est nommé par l’exécutif et reflète son caractère de classe.
Des syndicalistes sont arrêtés et emprisonnés parce qu’ils placent les droits collectifs de leurs membres au-dessus des droits du patron. La police fait de moins en moins preuve de tolérance lors des manifestations pacifiques. Les mesures d’exception sont de moins en moins exceptionnelles et de plus en plus répressives.
Une approche par classe prédomine en matière de crime et de punition, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un système de justice à deux vitesses. Les lois et les peines sont très sévères pour les criminels qui commettent des délits mineurs, mais les puissants délinquants eux s’en tirent avec des peines légères, voire inexistantes. Les grandes entreprises et les riches qui polluent l’environnement, ou enfreignent les règles en matière de santé et de sécurité au travail, sont traités comme ayant commis des délits mineurs et se retrouvent rarement en prison ou privés de leurs biens.
Par ailleurs, le système judiciaire porte l’empreinte de sa construction colonialiste et raciste : les détenus autochtones sont surreprésentés au sein de la population carcérale, les Noirs et les Autochtones sont surcontrôlés par la police et harcelés dans les communautés partout au pays, et la notion d’accès équitable à la défense juridique n’est plus que fiction, étant donné le financement nettement insuffisant des programmes d’aide juridique.
La corruption, les pots-de-vin et le crime organisé vont de pair avec le développement capitaliste. Bon nombre des familles les plus riches ont bâti leur fortune grâce à des activités illégales effectuées au fil des générations; ces familles et leurs descendants font aujourd’hui partie de la haute société. Le vol commis par les riches devient légalisé et l’exploitation valorisée.
Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) sont des éléments particulièrement dangereux de l’appareil d’État. Travaillant de concert avec la CIA et d’autres agences de sécurité impérialistes, le SCRS et le CST portent atteinte aux droits démocratiques et civils des Canadiens et Canadiennes. Ces organismes, qui agissent en dehors de la loi et hors de portée du Parlement, existent pour réprimer la dissidence politique et ont le potentiel de servir de véhicule pour transformer le Canada en un État policier.
Les Forces armées canadiennes constituent un instrument d’agression impérialiste placé sous le commandement des États-Unis et de l’OTAN. Elles ont également pour mission d’intervenir pour réprimer les luttes démocratiques, de classe et nationales du peuple canadien.
Les organisations racistes et fascistes sont autorisées à fonctionner en bénéficiant d’une relative liberté accordée par l’État, et reçoivent en fait le soutien des éléments les plus réactionnaires au sein de la classe dirigeante. Des liens visibles entre ces organisations d’extrême droite et des membres éminents du Parti conservateur existent par l’entremise des médias d’extrême droite. Profitant de la peur, de l’insécurité, des conditions économiques incertaines et du faible niveau de conscience de classe dans certains secteurs de la population canadienne – en particulier chez les jeunes et la petite bourgeoisie –, ces groupes encouragent les préjugés, la haine raciale et l’idéologie fasciste afin de diviser et d’affaiblir la classe ouvrière, tout en créant des conditions favorables à la croissance de l’extrême droite.
En bref, le rôle répressif de l’État canadien en tant qu’instrument de domination de classe est de plus en plus mis en évidence, alors que les intérêts des entreprises les plus puissantes s’étendent aux dépens des droits du travail et des droits démocratiques du peuple. Les possibilités déjà limitées d’expression et de participation démocratiques sont constamment et profondément érodées. Lutter pour unir les forces ouvrières et populaires à la défense de la démocratie est donc devenue une tâche urgente et centrale.
Le Canada, un pays multinational
Le Canada est constitué de plusieurs nations. Le mot « nation » est utilisé de différentes façons, mais ce qu’on entend ici est une communauté stable d’individus historiquement constituée, ayant en commun une langue, un territoire, une vie économique et une conscience nationale qui se manifestent dans une culture commune. Les nations naissent et meurent au cours de processus historiques violents ou pacifiques, ou une combinaison des deux. Il s’agit d’un processus dynamique au cours duquel la création et le développement de chaque nation se font de manière spécifique et différente. Par conséquent, la lutte pour une solution démocratique à la question nationale exige une compréhension et un respect à l’égard de ces différences objectives.
Parmi les plus petites nations au Canada se trouvent des peuples autochtones qui exercent leur droit à la souveraineté, réclamant une plus grande autonomie et une autonomie gouvernementale. Il s’agit notamment des Cris du nord du Québec, du territoire nouvellement créé du Nunavut, des Nisga’as sur la côte ouest et bien d’autres. Les Acadiens des Maritimes constituent également une petite nation au Canada; les deux plus grandes étant le Canada anglophone et le Québec.
La crise de la Confédération réside d’abord et avant tout dans le refus de la classe dominante, la bourgeoisie monopoliste canadienne, de reconnaitre le droit de chaque nation à l’autodétermination; c’est-à-dire le droit de choisir la forme de souveraineté que souhaite la majorité du peuple de chaque nation, y compris le droit de se séparer et de former un État indépendant.
La souveraineté peut s’exprimer sous la forme d’un libre choix national, selon l’une des trois formes suivantes : un État indépendant, une confédération de nations ou d’États égaux, ou l’autonomie.
Depuis de nombreuses années, le Parti communiste propose une nouvelle constitution basée sur le partenariat égal et volontaire de toutes les nations du Canada : le Québec, le Canada anglophone, les peuples autochtones et les Acadiens. Un tel nouvel accord constitutionnel doit garantir la protection des droits inhérents des Autochtones, y compris le droit de consentir à tout changement de leur reconnaissance constitutionnelle et à toutes les questions relatives à leur développement national.
Le Parti communiste propose une république confédérale dotée d’un gouvernement composé de deux chambres : la première, semblable à l’actuelle Chambre des communes, serait fondée sur le principe de la représentation de la population, élue selon un nouveau système de représentation proportionnelle. Le point de vue de notre Parti est que l’autre chambre serait une Chambre des nationalités qui remplacerait l’actuel Sénat. Notre proposition – sujette à modification lors de consultations préalables approfondies par les nations au sein de l’État canadien – est qu’une telle Chambre des nationalités serait composée d’un nombre garanti et significatif d’élus tant du Québec, du Canada anglophone, des peuples autochtones (Premières Nations, Inuits et Métis) que des Acadiens. Chaque chambre aurait le droit de proposer des projets de loi, qui ne deviendraient lois que si les deux chambres les adoptent. De plus, les peuples autochtones auraient le droit de veto sur toutes les questions relatives à leur développement national.
Cette structure protégerait ainsi les deux principes démocratiques fondamentaux que sont l’égalité des droits des nations, quelle que soit leur taille, et la règle de la majorité. Des changements structurels reflétant cet arrangement confédéral devraient être apportés à l’ensemble du système juridique et de l’appareil d’État.
Une constitution véritablement démocratique devrait corriger les injustices historiques subies par les peuples autochtones, en reconnaissant leur pleine égalité économique, sociale, nationale et politique, ainsi que le règlement juste de leurs revendications territoriales fondées sur les droits issus de traités, des revendications autochtones et des certificats de Métis. Cela comprend également les droits et les revendications des femmes autochtones. Le droit des nations à l’autodétermination doit être inscrit dans la Constitution canadienne.
Cette lutte pour le changement constitutionnel est cruciale dans le cadre de la lutte générale pour la démocratie, le progrès social et le socialisme. L’unité de la classe ouvrière, partout au pays, ne sera guère possible sans une lutte contre l’oppression nationale et pour établir un nouveau partenariat égalitaire et volontaire entre les nations du Canada.
La manifestation la plus évidente de la crise constitutionnelle concerne le statut national du Québec et le refus de l’État canadien de reconnaitre le droit du Québec à l’autodétermination nationale, jusqu’à et y compris la sécession. La non-reconnaissance des droits du Québec est, en elle-même, l’expression de son oppression nationale historique sur les plans politique, économique et social, depuis la conquête britannique de la Nouvelle-France en 1763. Cette oppression nationale continue, à son tour, de susciter l’indignation nationale parmi le peuple québécois et d’engendrer un mouvement nationaliste et séparatiste dirigé par un secteur de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie au Québec.
La lutte pour la défense des droits nationaux et de la souveraineté du Québec est une lutte sociale et démocratique essentielle. Cependant, dans la situation actuelle, l’indépendance du Québec telle que prônée par les partis nationalistes bourgeois et petits-bourgeois ne résoudrait pas la crise dans l’intérêt supérieur des travailleurs et travailleuses. Le Québec a atteint le stade avancé du capitalisme monopoliste; ses relations économiques avec le Canada anglophone ne sont plus de nature coloniale. La solution séparatiste entrainerait d’importantes difficultés économiques supplémentaires tant pour les travailleurs et travailleuses du Québec que pour ceux et celles du reste du Canada, affaiblissant ainsi leur unité politique face à l’ennemi commun – le capital financier, tant à l’échelle nationale qu’internationale – et leur lutte commune en faveur d’un changement fondamental.
Les récentes modifications apportées à la Constitution du Canada ont maintenu les défauts de structure et les inégalités inhérentes au texte original de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique (AANB) de 1867. Même si elle constitue officiellement un pas en avant, par rapport à une loi coloniale d’un autre pays, l’adoption d’une nouvelle Constitution canadienne et d’une nouvelle Charte des droits et libertés en 1982 n’a toutefois pas permis de régler les causes profondes de la crise de la Confédération. La constitution actuelle maintient les injustices et les iniquités découlant de l’ancien AANB. Les « droits provinciaux » ont été remplacés par de véritables droits nationaux, accentuant ainsi la tendance à la décentralisation, tout en ne faisant rien pour soutenir l’indépendance canadienne ou pour reconnaitre les droits nationaux du Québec, des peuples autochtones et des autres nations du Canada.
Les Acadiens, vivant aujourd’hui principalement dans les Maritimes, constituent également une nation. Premiers colons français du XVIe siècle, les Acadiens ont été chassés de la Nouvelle-Écosse par les colons britanniques qui se sont emparés de ces terres après la défaite du royaume de France en 1755. Bien qu’un nombre important d’entre eux demeurent dispersés géographiquement dans les Maritimes et au Québec, les Acadiens représentent aujourd’hui un tiers de la population du Nouveau-Brunswick et sont majoritaires sur un vaste territoire au nord-est de cette province. Ils forment une communauté numériquement importante et stable qui conserve sa propre langue, culture, histoire et conscience collective nationale.
En tant que nation, les Acadiens ont le droit à l’autodétermination. Ils peuvent alors choisir entre l’autonomie nationale et l’autonomie gouvernementale au sein du Canada, tout en conservant leur droit à la sécession par la suite, s’ils le décident. Ces deux formes d’autonomie devraient compter sur le soutien de l’État pour aider à protéger et à maintenir l’identité nationale acadienne au Canada.
Située principalement le long des rivières se jetant dans la baie d’Hudson, la nation métisse fait son apparition au XVIIIe siècle, à l’époque du capitalisme marchand fondée sur la traite des fourrures. La revendication des droits nationaux des Métis, lors des rébellions de 1869-1870 et de 1885, est brutalement étouffée par la classe dominante anglophone, soutenue par le capitalisme industriel alors en expansion en Ontario et au Québec. Quoiqu’il en soit, la résistance des Métis mène à la création de la province du Manitoba, et contribue à maintenir vivant l’esprit de résistance contre toute oppression nationale au Canada jusqu’à ce jour. Concentrés principalement dans les provinces des Prairies, environ un demi-million de Métis vivent partout au pays.
Les peuples autochtones vivaient déjà sur l’ile de la Tortue depuis des milliers d’années avant l’arrivée des premiers colons européens. L’organisation sociale, culturelle et économique des communautés autochtones avant la colonisation européenne progressait – selon le développement des capacités productives de chacune d’elles – passant de tribus plus petites, dispersées et relativement isolées qu’elles étaient, à des sociétés plus complexes, plus organisées et technologiquement plus avancées, avec de nombreux partenaires commerciaux.
Le gouvernement canadien a mis en œuvre ses politiques génocidaires par la création de pensionnats, en retirant de force les enfants autochtones de leurs communautés et de leurs familles. De nombreux enfants ne survivront pas aux mauvais traitements, à la famine et aux privations qui leur seront infligés intentionnellement. Nombreux sont les survivants qui perdront leur langue, leur culture et le lien avec leurs terres et leurs communautés. Les effets se font encore sentir aujourd’hui, car le dernier pensionnat a fermé ses portes il y a à peine un peu plus de deux décennies. Qui plus est, cette pratique génocidaire se poursuit jusqu’à nos jours à travers le système raciste des familles d’accueil. Les enfants autochtones sont enlevés à leurs parents et placés principalement dans des familles blanches, les déconnectant ainsi de leurs communautés et de leur culture. Afin de justifier cette situation, l’État évoque les mauvais traitements, la toxicomanie et la négligence comme motifs pour retirer les enfants autochtones de leur famille, tout en ignorant et en refusant commodément de rendre compte de l’histoire et des effets actuels du colonialisme.
L’industrialisation capitaliste au Canada s’est développée aux dépens de ses premiers habitants. La colonisation européenne et l’assujettissement des sociétés autochtones ont violemment interrompu le processus de développement et de construction de leurs nations. Leur résistance face à l’empiètement colonial a brutalement été écrasée. L’État a adopté une politique de génocide telle que l’extermination des Béothuks à Terre-Neuve, les primes pour la prise de scalps de Mi’kmaqs dans les Maritimes, la réduction en esclavage de certaines nations et d’autres, délibérément décimées par la famine et l’inoculation de maladies mortelles. S’ensuivirent la relocalisation forcée dans des réserves pauvres et isolées, l’appropriation des terres autochtones par des politiques gouvernementales délibérées visant à encourager l’établissement de vagues massives d’immigrants européens, et l’enlèvement d’enfants pour les placer dans des pensionnats autochtones, où beaucoup d’entre eux ont été agressés sexuellement et brutalisés pour avoir parlé leur propre langue. La destruction systématique des cultures autochtones comprenait, entre autres, l’interdiction du potlatch communautaire sur la côte ouest, du tambour traditionnel chez les Anichinabés et de la danse du soleil dans les Prairies. Tel est le bilan de l’histoire du Canada qui se poursuit encore aujourd’hui sous la forme de projets d’assimilation visant à éliminer en permanence leurs droits nationaux inhérents, l’ouverture des terres de réserve à la vente privée et l’absorption progressive des peuples autochtones dans l’ensemble de la population, le tout en violation des droits reconnus à l’échelle internationale, tels que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Dans ce sens très réel, les politiques du colonialisme, dictées par les cercles dirigeants des centres européens servant leurs intérêts et travaillant au profit de la bourgeoisie canadienne, se trouvent au cœur de la fondation de l’État canadien et sont toujours en place au XXIe siècle. Les traités originaux signés par les peuples autochtones ont constamment été violés et les territoires traditionnels non cédés, appartenant à ceux qui n’ont jamais cédé ni signé de traités, ont été transformés en terres de la Couronne au profit des grands monopoles des ressources naturelles. Les peuples autochtones, et les masses laborieuses venues au Canada à la recherche d’une vie meilleure, pour ensuite être victimes des grands monopoles bancaires, ferroviaires et agroalimentaires, ont un ennemi commun : l’État capitaliste et les grandes entreprises, lesquels visent à maximiser les profits par l’extraction des ressources et l’exploitation des travailleurs et travailleuses. Le Parti communiste du Canada milite pour la libération des peuples autochtones et des autres nations opprimées de ce pays, ainsi que pour l’unité de la classe ouvrière de toutes les nations et de tous les peuples, afin de parvenir à une véritable démocratie, à l’égalité, à la survie de l’environnement et au socialisme.
À l’heure actuelle, les peuples autochtones affichent les taux de suicide, de mortalité infantile, d’appauvrissement et d’incarcération parmi les plus élevés au Canada, et leur espérance de vie est de 10 à 15 ans inférieure à la moyenne. Les femmes et les filles autochtones ont été victimes de programmes de stérilisation forcée et de milliers d’assassinats et de disparitions. Privés de la pleine égalité sociale et des droits humains, et privés de tout contrôle sur leurs territoires traditionnels inhérents, les peuples autochtones continuent de résister aux politiques d’assimilation, de dépossession et de génocide de l’État capitaliste canadien.
Encore aujourd’hui, l’État, agissant au nom du capital financier, tente activement de saper et d’annuler le statut et les droits nationaux des peuples autochtones. Cette situation a engendré une pauvreté et une oppression extrêmes dans les réserves et autres régions habitées par les peuples autochtones. Privés d’une assise territoriale adéquate, d’un niveau de vie acceptable, de la possibilité de vivre selon leur mode de vie traditionnel ou de monter des opérations commerciales coopératives fructueuses là où ils vivent, les peuples autochtones migrent depuis de nombreuses années vers les zones urbaines où ils sont confrontés à un taux de chômage élevé, à la discrimination et à la poursuite de la destruction de leur identité culturelle.
Le Parti communiste lutte pour la réparation immédiate des injustices historiques subies par les peuples autochtones. Cela doit inclure, en priorité, un traitement préférentiel en matière de logement, de soins de santé, d’éducation et de création d’emplois. Par ailleurs, le respect immédiat de leurs droits nationaux et le règlement juste et rapide de leurs revendications territoriales contribueront à améliorer les perspectives d’un développement plus complet des peuples autochtones en tant que nations, un processus que le Parti communiste soutient sans réserve.
Le Parti communiste appuie également la lutte des nations telles que les Cris du nord du Québec, qui cherchent à obtenir la pleine reconnaissance de leur droit à l’autodétermination.
On assiste aujourd’hui à un regain d’esprit d’insurrection chez les peuples autochtones. Un sentiment d’unité entre les différents peuples autochtones s’intensifie dans leurs luttes individuelles et particulières contre l’État capitaliste. Le Parti communiste appuie ce sentiment d’unité croissant entre les peuples autochtones dans leur juste lutte.
Au sein de chaque nation vivent des minorités nationales dont le foyer national se situe à l’intérieur des frontières d’une autre nation au Canada. C’est le cas des minorités francophones vivant au Canada anglophone, de la minorité anglophone vivant au Québec, ainsi que des membres des nations autochtones et des Acadiens vivant en dehors de leur foyer national. Toutes ces minorités nationales ont le droit d’éduquer leurs enfants et de recevoir des services dispensés par l’État dans leur propre langue, là où le nombre le justifie.
À l’exception de la minorité anglophone du Québec, toutes les autres minorités nationales vivant au pays voient leurs droits bafoués à différents niveaux.
Au Canada, environ 1,5 million de personnes se définissent comme Autochtones (Inuits, Métis et Premières Nations), dont un peu plus de la moitié des Premières Nations vivent hors réserves. Leurs droits nationaux sont totalement niés, et ils sont victimes de politiques de génocide qui se poursuivent depuis des siècles jusqu’à nos jours.
Plus d’un million de francophones vivant à l’extérieur du Québec et de l’Acadie continuent de résister à l’assimilation depuis bien avant la Confédération. Même s’ils ont officiellement le droit de jouir des services et de l’éducation de l’État en français, là où le nombre le justifie, dans les faits, l’accès à l’éducation et aux services en français leur est régulièrement refusé, ce qui oblige les communautés francophones à lutter pour préserver leur identité nationale, leur langue et leur culture, sans aucun soutien de l’État.
À l’exception des peuples autochtones, le Canada est un pays d’anciens et de nouveaux immigrants. Composés de centaines de groupes ethniques divers, qui finiront par fusionner avec le Québec francophone ou le Canada anglophone, ces groupes ethniques ont le droit de préserver leur langue et leur patrimoine et de les transmettre aux générations futures, grâce à des programmes linguistiques parascolaires et des activités culturelles et communautaires financés par l’État. Le Parti communiste reconnait que ce processus bilatéral de fusion et de préservation de la langue, de la culture et du patrimoine est de longue durée, et qu’il influence et enrichit les différentes cultures nationales existant au Canada.
La politique de multiculturalisme mise de l’avant par l’État canadien depuis un demi-siècle soutient que l’identité canadienne est formée uniquement par la contribution d’une mosaïque de différents groupes ethniques, égaux entre eux, arrivés comme immigrants et qui, pour la plupart, se sont rapidement intégrés et continuent de s’intégrer principalement dans la nation anglophone dominante du Canada.
Cette politique a été créée soi-disant pour différencier le multiculturalisme canadien du melting-pot (ou creuset) états-unien, qui oblige les immigrants à abandonner leur langue maternelle et leur culture lorsqu’ils immigrent aux États-Unis.
En fait, la politique de multiculturalisme au Canada a été créée pour nier l’existence de nations en son sein, bafouer leurs droits nationaux, maintenir la domination du Canada anglophone sur toutes les autres nations et maintenir le pouvoir de la classe capitaliste anglophone.
Mais on ne peut nier indéfiniment le caractère multinational du Canada. Les sentiments nationaux démocratiques des peuples se feront entendre dans leurs demandes de reconnaissance et de réparation. Le Parti communiste prône un nouveau partenariat égal et volontaire entre les nations du Canada dans une nouvelle Constitution, fondée sur la reconnaissance du droit des nations à l’autodétermination jusqu’à et y compris le droit de sécession.
Les travailleurs et travailleuses immigrants de nombreux pays ont joué un rôle essentiel dans la création des industries, la construction des chemins de fer et le développement de l’agriculture au Canada. Les nouveaux immigrants y représentent une part considérable de la main d’œuvre. Malgré tout, les travailleurs immigrés continuent de faire l’objet d’une discrimination intense, résultant principalement de l’exploitation capitaliste et des attitudes de chauvinisme national. Depuis sa fondation, le Parti communiste ne cesse de lutter pour mettre fin à la discrimination à leur égard, en s’efforçant d’exposer comment le capitalisme engendre le racisme et le chauvinisme national, profite des secteurs à bas salaires et divise la classe ouvrière pour freiner la lutte générale.
La majeure partie de l’immigration au Canada a été structurée de façon à soutenir l’expansion colonialiste et l’exploitation capitaliste. Pendant la période coloniale, les classes dirigeantes françaises et anglaises ont non seulement dirigé la colonisation blanche qui opprimaient et déplaçaient les peuples autochtones, mais ont également exploité la plupart des immigrants comme source de main-d’œuvre bon marché et de production primaire. Les tendances ultérieures en matière d’immigration, sous l’État canadien, ont continué d’appliquer des politiques racistes, chauvines et anti-ouvrières dans l’expansion de la colonisation et le développement de l’industrie capitaliste. Les tristement célèbres mauvais traitements infligés à la main-d’œuvre chinoise dans la construction du chemin de fer du Canadien Pacifique, de même qu’à la main-d’œuvre immigrante dans l’industrie textile et l’agriculture, sont caractéristiques de la façon dont les capitalistes canadiens ont tendance à isoler et à surexploiter les groupes de travailleurs et travailleuses immigrants.
La politique d’immigration du Canada est également axée sur les classes sociales. Les programmes de travailleurs migrants temporaires sont particulièrement abusifs, car ils offrent un flux constant de travailleurs et travailleuses vulnérables à bas salaires, sans avantages sociaux ni protection de la main d’œuvre, et sans voie vers la citoyenneté. Ces programmes établissent les conditions d’un esclavage et d’une exploitation extrême, les travailleurs et travailleuses étant exclusivement liés à leurs employeurs.
Des millions de personnes sont massivement déracinées en raison de l’appauvrissement croissant des pays moins développés, des guerres déstabilisatrices d’inspiration impérialiste et des catastrophes environnementales, et de la croissance du trafic criminel d’immigrants. Pour réduire ces mouvements internationaux de populations dépossédées et de réfugiés politiques, il faut des politiques progressistes favorisant le développement économique et la paix dans le monde, et non pas plus de répression envers les immigrants ou l’élimination de leurs droits démocratiques. Les communistes réclament la priorité en matière d’immigration des réfugiés, l’élimination de l’entrée privilégiée des investisseurs capitalistes, l’élimination progressive des dispositions relatives aux travailleurs temporaires, sauf dans les cas d’un véritable échange éducatif, scientifique ou culturel, et l’adoption d’une déclaration des droits des immigrants assurant leur pleine protection. Une telle déclaration des droits devrait donner la priorité à la réunification des familles pour les immigrants existants ainsi qu’élargir les droits de parrainage pour inclure les frères et sœurs; prendre des mesures énergiques contre la traite des personnes, l’esclavage et l’exploitation, et rationaliser le processus d’immigration afin de réduire les préjugés de classe et les barrières linguistiques et culturelles.
La Charte des droits et libertés présente également de graves lacunes. Tout en reconnaissant formellement certains droits fondamentaux tels que la liberté d’association, de réunion, de religion, la liberté de la presse; les droits à la liberté et à la sécurité, et l’égalité sans discrimination fondée sur la race, le sexe, la religion ou l’origine nationale, cette charte permet également aux assemblées législatives fédérales et provinciales d’invoquer tout simplement la clause « nonobstant » pour nier ces droits humains fondamentaux dans la pratique. Une déclaration des droits du travail a été refusée aux masses laborieuses du Canada, laissant le mouvement syndical sans droits garantis par la Constitution.
Les municipalités continuent de se voir refuser le statut prévu par la Constitution rapatriée. Bien que la majorité des Canadiens et Canadiennes vivent dans des municipalités urbaines, ces entités peuvent être créées et dissoutes à volonté par les gouvernements provinciaux.
Une nouvelle constitution devra interdire toute violation des libertés civiles des immigrants. Elle devra proscrire le racisme et la discrimination. Elle devra garantir les droits démocratiques, culturels et linguistiques des groupes ethniques non francophones et non anglophones du Canada. Une nouvelle constitution devra comprendre une déclaration générale des droits et une déclaration des droits des travailleurs, afin de garantir les droits syndicaux et démocratiques qui s’appliquent aux peuples de toutes les nations, au sein de l’État canadien. Ces garanties devront assurer l’égalité économique, sociale, culturelle et linguistique, le droit de réunion, le droit syndical et de grève, le droit d’habeas corpus de ne pas être arbitrairement privé de sa liberté, le droit à un emploi, à la liberté de circulation, à la santé, à l’éducation et au logement.
Une constitution véritablement démocratique devra s’accompagner de réformes structurelles fondamentales. Pour surmonter les inégalités régionales, ces réformes devront reposer sur la nécessité d’un développement économique général dans toutes les régions du Canada, combiné à la nationalisation des ressources naturelles, et surtout de l’énergie. Par l’intermédiaire des sociétés d’État, les bénéfices tirés de l’exploitation des ressources naturelles et énergétiques devront servir l’ensemble de la population canadienne, ainsi que le développement industriel et social des provinces où elles se trouvent.
L’érosion de la démocratie locale trouve son origine dans l’absence de statut constitutionnel, de compétence et de droits pour les municipalités. Une constitution démocratique devra reconnaitre les municipalités, garantir l’autonomie municipale locale et créer les conditions les plus favorables au contrôle démocratique local.
Une nouvelle constitution devra unifier la législation sociale pour assurer l’égalité des chances et des normes élevées dans tout le Canada, tout en respectant la souveraineté du Québec et le droit à l’autonomie gouvernementale des peuples autochtones. Elle devra faire en sorte que les sociétés ne puissent pas échapper à leur responsabilité quant à la contribution qu’elles doivent apporter à l’éducation publique, au niveau de vie, à la santé et au bien-être collectif de tous les Canadiens et Canadiennes.
Plus important encore, une nouvelle constitution devra aider à éliminer les causes de la désunion, des frictions et du ressentiment qui existent depuis longtemps entre le Canada anglophone et le Québec, ainsi que l’inégalité et l’oppression nationale des peuples autochtones.
Le Parti communiste considère que la lutte pour une solution démocratique de la crise constitutionnelle fait partie intégrante de la lutte contre le régime capitaliste. Il soutient l’unité de la classe ouvrière dans la lutte contre cet ennemi commun : le capital financier national et international. La victoire dans la lutte pour la démocratie et contre la réaction politique, pour l’indépendance du Canada et pour le socialisme exige une puissante alliance de la classe ouvrière du Canada anglophone et du Québec, ainsi que des forces progressistes des communautés autochtones et des minorités nationales et ethniques.
La direction historique de ces luttes vise la réalisation d’une forme supérieure de démocratie, par l’établissement d’un État socialiste qui donnerait le pouvoir à la grande majorité du peuple canadien.