Ligue de la jeunesse communiste et le Parti communiste du Québec condamnent le projet de loi 21 sur la laïcité de l’État déposé par le gouvernement Legault le 28 mars dernier. Laïque, cette loi ne l’est que par le nom. En fait, derrière ce libellé sciemment choisi pour induire en erreur les Québécois-es même les plus progressistes, se cache la vraie nature du gouvernement Legault, celle d’un gouvernement foncièrement réactionnaire, identitaire et nationaliste.
Sous prétexte de vouloir instaurer des règles encadrant la laïcité de l’État Québécois, Legault et son ministre Simon Jolin-Barrette, proscrivent le port de tout signe religieux aux fonctionnaires « en position d’autorité », ce qui, selon eux, inclut les enseignant-es, les policiers-ères, les juges, etc. Bien que tous les signes religieux soient en théorie bannis, dans un contexte d’islamophobie ambiante, il ne fait aucun doute que les femmes musulmanes voilées sont les premières visées, ce qu’atteste d’ailleurs la mesure sommant que celui ou celle qui tient à recevoir un service de l’État devra se découvrir le visage « pour des fins d’identification ».
En fait, l’objectif réel de cette loi n’est pas seulement de diviser, mais de banaliser, de légaliser et d’institutionnaliser l’oppression et la marginalisation dont sont déjà victimes en premier lieu les personnes musulmanes, mais aussi tous ceux et celles qui décident de porter un signe religieux (sauf peut-être une croix catholique, pour laquelle il n’y aura pas de fouille à nu, a promis Jolin-Barette). D’ailleurs, il ne faut pas tomber dans le leurre du retrait du crucifix de l’Assemblée nationale qui n’est qu’une manoeuvre pour faire croire que toutes les religions passent dans le tordeur.
Communistes, nous sommes de fières partisanes et partisans de la laïcité, une valeur fondamentalement progressiste. Cependant, nous dénonçons toute tentative de l’instrumentaliser afin de justifier des positions racistes, misogynes, islamophobes et discriminatoires à l’égard des différentes religions. La laïcité n’a absolument rien à voir avec les signes religieux. Elle ne prescrit que la neutralité de l’État et de ses institutions envers les religions, ce qui signifie que les lois ne peuvent être basées sur des considérations religieuses, que justice ne peut être rendue au nom de Dieu ou que les services publics doivent être dispensés à tous et toutes sans égard à leur croyance religieuse. Que la personne dispensant ces services, qu’elle soit en position d’autorité ou pas, vêtisse un signe religieux apparent ne donne aucune indication quant à sa compétence et sa capacité de dispenser le service en question en toute impartialité. Quel que soit leur habillement, toutes les personnes qui évoluent au sein des institutions publiques sont porteuses de bagages identitaires, culturels et religieux. Elles sont malgré tout capables de faire la distinction entre leurs fonctions et leurs religions dans un contexte laïque.
Dans les faits, le Québec est un État laïc et ce, depuis 1960. Il y a longtemps que l’influence des congrégations religieuses n’a plus droit de cité dans les affaires publiques. La laïcité ne pose donc aucun problème: elle est acceptée de la vaste majorité de la population et appliquée de facto. Avec le projet de loi 21, le gouvernement Legault ne rend pas l’État plus laïc qu’il ne l’est déjà. Par contre, sa loi s’attaquent aux droits fondamentaux d’individus de religions minoritaires soi-disant pour s’ajuster à la volonté de la majorité dont les pratiques religieuses n’impliquent pas le port de signes particuliers visibles. Ce faisant, elle crée une injustice flagrante qui va à l’encontre du principe même de la laïcité de l’État, qui exige que toutes les religions soient traitées également. Contrairement aux prétentions du gouvernement, la loi ne mettra pas fin au débat sur la laïcité ni ne renforcera l’unité des Québécois-es autour du « vivre ensemble ».
Bien au contraire, elle remue le couteau dans une plaie béante, ouverte il y a 10 ans à l’époque de la Commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables, et entretenue par les différentes forces politiques qui y ont trouvé leur compte afin de faire diversion au moment d’imposer des mesures néo-libérales, des politiques d’austérité ou tout simplement pour des raisons purement populistes et électoralistes. Or, pendant ce temps, les groupes identitaires, nationalistes, suprématistes, fascistes comme La Meute, s’organisent et tentent de faire croire que l’immigration, et plus particulièrement l’immigration musulmane, menacerait la survie de la nation. D’ailleurs, avec leur discours prônant la défense de l’Occident chrétien contre l’influence islamique, ce sont eux qui, au bout du compte, présentent le plus grand danger contre la laïcité, pas les enseignantes voilées.
Avec cette version revue et/ou augmentée de la Charte des Valeurs du PQ et de la loi 62 du PLQ, le gouvernement Legault ne fait pas dans la différence. Pendant que ce débat monopolise l’attention, les dénonciations du budget 2019 passent inaperçues alors qu’il s’agit d’un budget qui, malgré des surplus historiques, maintient les Québécois-es sous la chape de plomb austéritaire imposée par les libéraux en 2014.
En faisant du débat sur la laïcité un enjeu de société fondamental, il permet non seulement de dédiaboliser les discours les plus réactionnaires et identitaires, mais instrumentalise également le sentiment des Québécois-es qui luttent contre l’oppression nationale en suscitant leur appui à ce projet de loi qu’il leur présente comme une nécessité pour l’affirmation du Québec devant le reste du Canada.
L’oppression nationale dont est victime le Québec dans le cadre de la fédération canadienne est bien réelle, et c’est là la vraie raison de l’appui d’une part importante de la population québécoise au projet de loi 21, pas, comme l’affirme la presse vénale anglophone, une prétendue propension naturelle au racisme et à l’islamophobie. En effet, le racisme, l’islamophobie, la xénophobie ont le vent dans les voiles dans toutes les sociétés capitalistes avancées à travers le monde. Le Canada anglophone n’échappe pas à cette tendance.
Cependant, il existe bien une différence dans la façon dont ces idéologies réactionnaires s’articulent au Québec où la situation d’oppression nationale peut être instrumentalisée pour faciliter leur pénétration dans la société et fomenter des divisions au sein des masses populaires, car sans ces divisions, cette situation d’oppression nationale pourrait aisément devenir un catalyseur de luttes sociales.
Ainsi, nous saluons la décision des syndicats de l’enseignement (FNEEQ-CSN, FAE, CSQ), de la CSN et du Conseil central de Montréal (CSN) ainsi que la Fédération des femmes du Québec qui n’ont pas hésité à dénoncer la loi 21, tendant ainsi la main à toutes les personnes touchées par cette loi et faisant primer la nécessité de l’unité de la classe ouvrière québécoise sans égard à son origine ethnique ou sa religion.
Car c’est ce dont il s’agit au final: unir la classe ouvrière et les masses populaire du Québec contre leur ennemi commun. Or, tant que cet ennemi commun n’est pas clairement identifié et tant que l’on ne sera pas en mesure d’assimiler que la classe ouvrière québécoise est à la fois musulmane, blanche, racisée, « pure-laine » ou immigrée, cette unité ne sera qu’illusoire.
Au final, nous, communistes, ne pouvons oublier que la question de classe doit être facteur de rassemblement et non de division.