L’ingérence de l’État dans des négociations collectives à la faveur de la partie patronale n’est pas un phénomène nouveau. Au Canada, au Québec ou dans toutes les provinces, les gouvernements travaillent de concert pour empêcher et écraser le rapport de force des travailleuses et des travailleurs. De l’intervention policière à la loi spéciale, l’histoire ouvrière est ponctuée d’épisodes de répression directe.
S’il y a bien un corps de métier qui a été régulièrement en conflit avec le gouvernement fédéral, c’est bien les travailleuses et des travailleurs des postes. Depuis les années 1960, ils et elles se sont battu.e.s pour le droit de se syndiquer, le droit d’avoir des conditions de travail décentes et un emploi stable. C’est grâce au Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) et à la grève de 1981 que les travailleuses et les travailleurs de partout au Canada bénéficient aujourd’hui de congés de maternité payés.
Les droits des syndicats, durement acquis des années 1950 à 1970, et leur codification n’ont pas empêché l’ingérence des gouvernements. L’un des tenants de l’offensive néolibérale depuis les années 1980 est la neutralisation des organisations syndicales. C’est ainsi que débute l’ère des lois spéciales, de laquelle nous sommes toujours prisonniers. Le plus récent conflit de travail à Postes Canada, la grève de 2018, en témoigne.
En 2018, le service postal vient tout juste de sortir de la répression pure et simple de l’ère Harper. Le lockout et la loi illégale de l’été 2011 ont détérioré les conditions de travail aux postes. Avec la défaite de Harper en 2015, la grève de 2018 devient l’occasion pour le STTP de faire des gains. Une grève à quelques semaines de Noël a le potentiel d’amener Postes Canada à la table de négo.
Une grève rotative est déclenchée le 22 octobre 2018 par le STTP. La tactique du syndicat est simple: des interruptions temporaires du service postal qui n’affectent que très peu la population, mais qui deviennent très rapidement un casse-tête organisationnel pour la gestion. À titre d’exemple, la région de Montréal n’a connu qu’un jour de piquetage et d’interruption de service durant la grève. Les perturbations sont une réussite, mais la grève prend fin abruptement le 26 novembre suite à la sanction d’une loi spéciale par le gouvernement Trudeau.
Le gouvernement cède ainsi devant la pression d’Amazon, de Ebay & d’autres pour sécuriser l’acheminement des achats en ligne du Black Friday et de Noël. Évidemment, cette décision est à la faveur de la partie patronale, Postes Canada, qui a refusé de négocier durant tout le conflit de travail. La loi spéciale met fin à toute négociation et force le retour au travail. Elle décrète que les conditions de travail 2018-2022 des employé.e.s des postes soient décidées par un arbitre.
En juin dernier, l’arbitre MacPherson soumettait sa décision suite à l’arbitrage entre Postes Canada et le STTP. Sans surprise, le résultat de l’arbitrage est une suite de concessions à l’employeur. Outre de très modestes augmentations salariales, il n’y a rien de concret pour les travailleurs et travailleuses des postes. Plusieurs des demandes syndicales les plus importantes, qui concernent la santé et la sécurité, ne sont même pas abordées dans la décision.
La décision d’un arbitrage n’est pas une convention négociée. C’est le résultat de l’écrasement du droit légitime d’association. C’est le produit d’une guerre asymétrique entre des milliers de travailleuses et de travailleurs et un État au service des patrons. Partout, les employé.e.s font tou.te.s face au même ultimatum : négocier à la baisse les salaires et les conditions de travail ou subir des lois spéciales. Le gouvernement libéral utilise littéralement le pouvoir judiciaire pour s’attaquer aux conditions de travail et au droit d’association.
Cette situation ne peut plus durer. Il est vital de restaurer un rapport de force des travailleuses et des travailleurs. Dans cette lutte, nous ne pouvons pas nous fier aux médias antisyndicaux ou à ceux qui nous laisserons tomber une fois au pouvoir. L’approfondissement de la lutte est intimement lié à l’implication syndicale, à la mobilisation et à l’alliance des groupes progressistes. Au sein même des syndicats, les progressistes doivent s’unir. Demander la fin de l’ingérence indue des gouvernements dans des négociations collectives est une position raisonnable. Défendons le droit de négocier. Solidarité avec les travailleurs et travailleuses des postes!