Le gouvernement canadien a annoncé aujourd’hui son intention de renflouer de près de 5,9 milliards de dollars le transporteur aérien Air Canada. Cette mauvaise décision va à l’encontre à la fois de l’intérêt public et celui des travailleurs et travailleuses mis à pied. Nous payerons, encore une fois, les conséquences de la privatisation d’Air Canada et de la dérèglementation de l’industrie aérienne, causés autant par les gouvernements libéraux que conservateurs.
En 2019, Air Canada engrangeait 1,5 milliard en profits. La marge de bénéfices, qui a doublé de 2016 à 2017, résulte d’une hausse des tarifs, de la réduction des services aux passagers et de la stagnation des salaires et des conditions de travail des employé.e.s du le secteur aérien.
Du même coup, Air Canada demeure un gouffre sans fond. Les plans de sauvetages de 2004 et de 2008, puis les subventions salariales et le crédit d’urgence en 2020, ne seront pas les derniers fonds publics engloutis. La privatisation et la dérèglementation ont laissé l’industrie aérienne à la merci d’intérêts financiers internationaux voraces. Les besoins de notre population clairsemée sur un territoire immense sont le dernier de leurs soucis. Une aviation commerciale lucrative c’est réduire l’offre de destinations au minimum, soit aux grands centres financiers canadiens comme Vancouver, Calgary, Toronto et Montréal.
Air Canada est fondée comme une entreprise publique en 1937 pour transporter rapidement et à un coût plus faible les personnes et les marchandises à travers un territoire immense. Pendant plus de 50 ans, l’abordabilité était la priorité de la société d’État. Cette période a brusquement pris fin avec la vague néolibérale des années 1980 qui a amené avec elle privatisations, dérèglementations, libre-échange et baisses d’impôts pour les entreprises. Le gouvernement conservateur de Brian Mulroney liquide Air Canada à des intérêts privés en 1988. La dérèglementation du secteur aérien quant à elle est survenue sous le gouvernement libéral de Jean Chrétien avec la ratification du traité « Ciel ouvert » en 2003. La privatisation du transporteur aérien est une énorme erreur dont nous faisons toujours les frais aujourd’hui. Alors que l’entreprise Air Canada a profité d’aides financières généreuses durant les périodes de vache maigre, les actionnaires et le PDG ne se sont pas privés d’empocher les profits quand la conjoncture était favorable.
La solution n’est pas un autre plan de sauvetage aux frais des contribuables qui terminera dans les poches des actionnaires et du CA. On ne peut pas envisager non plus les mises à pied, l’augmentation du prix des sièges ou l’abandon de vols intérieurs.
La solution demeure le retour d’Air Canada sous contrôle public et démocratique. C’est le seul moyen de s’assurer que les sommes déboursées par le gouvernement contribuent à améliorer un service public plutôt que de finir dans les poches d’entreprises ou de particuliers. C’est aussi la seule façon de s’assurer de la pérennité et de l’abordabilité du transport aérien partout au pays, pour les personnes comme pour les marchandises. C’est également le meilleur moyen de protéger les emplois, les salaires et les pensions de plus de 30 000 employé.e.s du secteur aérien au sein d’une économie capitaliste axée sur les profits à tout prix.
Dans les faits, le gouvernement canadien a déjà injecté plus d’argent dans Air Canada que la valeur nette de l’entreprise. Les contribuables ont déjà trop déboursé pour ce qu’ils ont reçu en retour, comme pour Bombardier.
Le plan du gouvernement d’acheter pour 500 millions $ d’actions du transporteur aérien représente moins de 10 % de la somme injectée dans l’entreprise. Détenir une si petite part des actions ne permettra pas au gouvernement d’avoir son mot à dire sur les décisions d’Air Canada. Cette situation rappelle la participation du gouvernement fédéral au capital de General Motors en 2009. Véritable coup de relations publiques, le plan de relance n’était pas parvenu à arrêter les coupes dans les pensions et les avantages sociaux des travailleurs de l’automobile.
Enfin, tout le monde sait qu’après les crises les « prêts » gigantesques des gouvernements aux entreprises ne sont pratiquement jamais repayés aux contribuables. Ils sont soit annulés, oubliés ou différés jusqu’à la fin des temps. Ce « prêt » de 5,9 milliards ne sera pas différent. Les médias auraient également pu parler d’un « cadeau », mais on comprendra que dans la situation actuelle ils ont préféré un autre terme. Les millions de chômeurs, chômeuses, travailleurs et travailleuses précaires, privés de leur gagne-pain et de leurs économies, aux prises avec des évictions et les huissiers, et qui peinent à avoir accès à de maigres prestations d’assurance-chômage, auraient pu mal le prendre.
C’est toujours les travailleurs et travailleuses qui finissent par faire les frais à la fois de ces gigantesques cadeaux, mais aussi des crises économiques, du chômage de masse et de la concentration des richesses.
Ce dont les travailleurs et travailleuses ont besoin actuellement, c’est d’une relance économique qui serve leurs intérêts ; une relance populaire. Nous ne voulons pas d’un énième plan de sauvetage pour Air Canada, Air Transat, WestJet, l’industrie pétrolière ou autres demandeurs d’assistance sociale aux entreprises.
Une relance populaire, c’est un gouvernement qui :
- Rend l’assurance-emploi non contributive et accessible à toute personne employée, pour l’entièreté de la période de chômage et à 90 % des revenus antérieurs;
- Proclame 14 congés maladie payés pour tous les travailleurs et travailleuses;
- Fixe un salaire minimum à 23 $/l’heure;
- Augmente substantiellement les pensions de retraite et les rend accessibles à 60 ans;
- Crée un revenu garanti viable — et non revenu minimum;
- Adopte des politiques de plein emploi et crée de bons emplois en augmentant les salaires, les pensions et le niveau de vie, en construisant des logements sociaux abordables et en mettant l’accent sur une industrie manufacturière et secondaire à forte valeur ajoutée;
- Met en place le contrôle public et démocratique des secteurs-clés de l’économie, notamment les ressources naturelles, les produits pharmaceutiques, les banques et les compagnies d’assurance en rétablissant les règlementations et en renversant les privatisations;
- Adopte une réforme fiscale progressive qui transfère la charge fiscale sur les grandes entreprises et les riches tout en offrant un abattement fiscal aux travailleurs et aux chômeurs;
- Se retire du nouvel accord ACEUM et de tous les autres accords de « libre-échange » commerciaux et conclu de nouveaux accords qui favorisent des échanges multilatéraux et mutuellement bénéfiques;
- Se retire de l’OTAN et du NORAD et réduit les dépenses militaires de 75 % au bénéfice de la paix, du désarmement et des services sociaux;
- Agit immédiatement pour arrêter les changements climatiques en établissant le contrôle public et démocratique du secteur de l’énergie et des ressources naturelles et en introduisant des plafonds stricts pour les émissions de carbone;
- Étend l’assurance-maladie pour inclure l’assurance-médicaments, les soins de longue durée, les soins oculaires, dentaires et psychologiques ; étend les programmes sociaux, y compris les services de garderie gratuits et publics de qualité et l’éducation postsendaire gratuite;
- Renforce les droits du travail et les droits civiques, sociaux et démocratiques, et met fin au racisme systémique;
Comité exécutif central
Parti communiste du Canada
13 avril 2021