Le Parti communiste et la Ligue de la jeunesse communiste du Québec s’inquiètent du recours de plus en plus généralisé aux nouvelles technologies dans nos écoles. Alors que les universités ont commencé depuis plusieurs mois à basculer vers le numérique pour dispenser différents cours, à partir du 17 décembre prochain, les écoles secondaires et primaires, puis possiblement les CEGEPs feront de même. Si nous comprenons que la situation sanitaire force à employer des méthodes adaptées et que l’utilisation d’outils virtuels peuvent s’avérer utiles en ce sens, il n’en demeure pas moins que demander aux étudiant-es et aux professeur-es de dispenser leurs cours et de suivre le programme comme en temps normal représente une attaque grave contre nos conditions d’études et de travail.
D’emblée, on ne peut que souligner l’aspect hautement inégalitaire du recours aux classes virtuelles. Tous et toutes n’ont pas un même accès aux technologies. Au sein des familles à faible revenu, tous les membres n’ont pas nécessairement accès à un ordinateur. Entre les parents en télétravail et les enfants qui doivent suivre leurs cours, voire passer un examen, comment s’organiser de façon convenable? L’accès à internet, dispensé par des firmes privées qui ne pensent qu’à générer des profits, est même, dans certaines régions, bancal voire à la portée de quelques-uns seulement. Nous nous inquiétons également de l’inégalité d’accès aux ressources pédagogiques (livres, articles de journaux, périodiques, etc.) lorsque les bibliothèques sont fermées.
La majorité des parents devront assumer certaines tâches que les professeurs et autres intervenant-es en milieu scolaire assurent en temps normal (supervision des devoirs, discipline en classe, s’assurer de certaines activités récréatives, etc.) Pour ceux et celles en situation de télétravail, le résultat sera un réaménagement de leurs heures de travail pour aboutir à un horaire atypique, ajoutant la fatigue au stress. Ceux et celles qui continuent de travailler à l’extérieur devront soit gérer un stress supplémentaire à celui de joindre les deux bouts ou de contracter la COVID19 et sacrifier leur temps libre (ainsi que celui de leurs enfants) aux révisions et autres tâches scolaires.
Si ces inégalités sont exacerbées auprès des élèves du primaire et du secondaire, il n’en demeure pas moins qu’elles existent également auprès des étudiant-es de niveau supérieur, eu égard au degré d’indépendance de chacun.
Nous nous refusons également de l’emploi de technologies virtuelles pour surveiller les différents examens et autres contrôles de connaissance. Ces méthodes orwelliennes se basent pratiquement toutes sur des logiciels qui s’incrustent dans nos ordinateurs et permettent à quelqu’un de surveiller tous nos faits et gestes – en théorie, mais rien n’empêche que certaines données personnelles soient utilisées au mieux à des fins commerciales, au pire par des agences de renseignement. Avec ces logiciels, tout mouvement dans la pièce, tout son, toute parole sont considérés comme suspects. Ceux et celles qui vivent en famille, en colocation ou encore qui ont des enfants à charge n’ont qu’à bien se tenir! De plus, les prestataires de service de télésurveillance eux-mêmes recommandent une connexion de 10Mb / seconde, car une ratée technologique et c’est l’écueil.
Nous ne pouvons passer sous silence la détérioration des conditions de travail des professeur-es induite par le passage aux classes virtuelles. Le 31 octobre dernier, à l’occasion de Halloween, plusieurs professeur-es de CEGEP en particulier se sont déguisés en zombies afin de tirer la sonnette d’alarme quant au surmenage qui les guette à cause des changements et de la surcharge de travail induite par cette nouvelle réalité virtuelle et le peu d’appui dont ils bénéficient. Aujourd’hui, à quelques jours de préavis, on leur demande de modifier leurs examens et autres activités d’évaluation!
Or, c’est bien connu, la qualité de l’enseignement dispensé est étroitement liée aux conditions de travail des enseignant-es. S’ils se sentent pris entre le marteau et l’enclume, forcés de dispenser des cours coute que coute pour satisfaire les besoins d’un système d’éducation de plus en plus mercantiliste, il ne fait aucun doute que c’est la qualité de notre enseignement qui en pâtit.
Communistes, nous savons déjà que le télétravail permet à la classe dirigeante d’intensifier le rythme de travail en forçant les salarié-es à être disponibles en tout temps, qu’il atomise les lieux de travail, isole les salarié-es les uns des autres, rend plus difficile la communication avec délégué-es et représentants syndicaux de même qu’il empêche un contrôle strict des heures supplémentaires. C’est une façon parmi d’autres par laquelle le patronat se sert de la pandémie de COVID19 pour s’attaquer aux travailleurs et aux travailleuses. Par conséquent, nous savons que la pandémie terminée, le recours au télétravail diminuera sans doute, mais perdurera quand même.
De la même façon, nous nous inquiétons du recours à la visioconférence après la pandémie de COVID19. Il y a fort à parier que, sous prétexte de rationalisation des couts, certains cours peu contingentés ne seront plus dispensés en présentiel, mais à distance par un seul individu qui aura plusieurs classes à charge. De même, dans des régions plus éloignées et à faible densité de population, on en viendra à mettre à pied enseignant-es et professeur-es, voire à fermer des classes qui seront remplacé-es par des écrans derrière lesquels interviendront des professeurs situés à des centaines voire des milliers de kilomètres.
Ainsi, de la même façon que le télétravail s’attaque aux conditions de travail, l’enseignement à distance s’attaque à nos conditions d’études et sert de cheval de Troie pour faire un pas de plus dans la marchandisation de notre éducation. Nous refusons que la tâche d’étudiant-e se résume à apprendre ses cours de façon mécanique. Étudier, c’est aussi interagir, échanger, discuter, débattre. C’est aussi lutter et prendre conscience d’enjeux sociaux notamment à travers le syndicalisme étudiant pourtant mis à mal par le « tout virtuel ».
En aucun cas étudier ne devrait être un facteur de stress. Aucun étudiant-e ne devrait se sentir sous pression : au contraire, tous et toutes devraient y voir un acte d’émancipation. Or, avec le recours généralisé à l’enseignement à distance, en particulier en période de pandémie, il apparait clair que pour le gouvernement Legault, la qualité de l’éducation n’a aucune valeur, seule la quantité est prise en compte. On veut ainsi faire des étudiant-es des robots capables d’assimiler coute que coute le strict minimum qui leur permettra de devenir de bons travailleur-euses sans pensée critique, et ce, le plus rapidement possible.
C’est pourquoi nous exigeons minimalement que le télésurveillance des examens oient annulés et remplacés par d’autres moyens de contrôle de connaissances. Si une telle mesure s’avère impossible, les examens devraient être reportés jusqu’à ce que les conditions sanitaires permettent la réalisation d’évaluations en personne. Nous exigeons également que des ressources supplémentaires soient rendues disponibles pour les élèves et les parents du secondaire afin de minimiser l’inégalité induite par le recours à l’enseignement à distance.
Nous devons lutter dès maintenant et marquer le coup, car c’est notre résistance aujourd’hui qui déterminera à quel point le gouvernement pourra se servir de cet outil pour mettre encore plus à mal le service public d’éducation.