Le Parti communiste du Québec, comprenant ce jeu de dupes, estime que l’annonce du gouvernement Legault à l’effet que les grandes entreprises devront payer plus cher leur accès à l’électricité, ne fait que soulever de la poudre aux yeux. Comme ailleurs, la CAQ s’affaire à masquer ses véritables intentions de casse du monopole public sur les entreprises publiques par des annonces populistes tapageuses.
Le projet de loi 69, dont l’opposition s’est fait sentir à travers les grandes villes du Québec récemment, n’a d’autre objectif que de brader l’hydroélectricité nationalisée à des intérêts privés en permettant aux monopoles privés non seulement de produire, mais de distribuer leur production électrique excédentaire.
Sous prétexte de limiter à 3% la hausse des tarifs d’électricité résidentiels – ce qui en soi représente une hausse considérable – le gouvernement prétend mettre à contribution les grandes entreprises sises au Québec en augmentant les tarifs industriels. Or, on ne retrouve aucune mention de l’augmentation des tarifs d’électricité vendus sur le marché états-unien soit à New York ou à Boston dont les ententes sont scellées individuellement et souvent en secret. Au demeurant, ce sont les petits commerçants, déjà frappés par des loyers exorbitants et la monopolisation exaltée de leur secteur, qui verront leur facture augmenter le plus.
Derrière ces annonces répétées, il n’y a donc aucune logique économique laissant sous-entendre que l’électricité serait rendue plus accessible aux masses populaires grâce à des tarifs industriels plus élevés. Ces derniers ayant été maintenus au plus bas durant des décennies, la marge pour leur augmentation sans en augmenter le poids fiscal à un niveau à peine similaire à celui qui pèse sur les ménages est grande. Il n’y a pas non plus de logique visant le développement d’Hydro-Québec et ce, malgré une ressource abondante et en forte demande ces derniers temps.
Il n’y a qu’une logique populiste et mercatique pour dorer la pilule du véritable chantier de François Legault : la privatisation d’Hydro-Québec et, en corollaire, un retour à l’époque glorieuse où monopoles yankees pillaient sans honte le potentiel hydroélectrique du Québec pour leurs propres intérêts.
En nommant Michael Sabia, le « top gun » de la privatisation à la tête d’Hydro-Québec, la CAQ indique à quelle enseigne elle loge. Plus concrètement, le gouvernement prétend vouloir mettre à contribution les grandes entreprises en augmentant leurs contributions à la société d’État d’une part, mais de l’autre, il les incite à produire leur propre électricité et à la distribuer. En d’autres termes, il afflige un coup de boutoir au monopole public de production et distribution d’électricité et ouvre la porte à un réseau parallèle, compétiteur dans le but d’orchestrer la privatisation totale d’Hydro-Québec.
Ironie du sort, ce gouvernement prétend défendre la nation québécoise en instrumentalisant le nationalisme étroit et réactionnaire, mais brade aux monopoles transnationaux la ressource-clé au coeur du développement économique de cette même nation il y a plus de 60 ans.
Collectivement, une telle marche forcée vers la privatisation de l’une de nos entreprises publiques les plus importantes et lucratives implique une triple peine. Comme après tout sabordage du public, le privé reprend la main et ses logiques aussi. Ainsi, les tarifs augmentent, tandis que les services diminuent. C’est la première peine.
Ensuite, l’État se prive de milliards de dollars de revenus, autant d’argent qui pourrait financer nos services et infrastructures publics. Ce déficit orchestré devient un argument comptable pour imposer des coupes massives et en instituer la casse. C’est la deuxième peine.
Enfin, en tant que colonne vertébrale de l’économie québécoise, privatiser l’hydroélectricité revient à se débarrasser d’une industrie industrialisante, renforçant le parasitisme de l’économie québécoise monopoliste et rentière de l’impérialisme états-unien.
Communistes, nous ne pouvons laisser passer de telles mesures dont l’objectif n’est autre que de brader l’économie québécoise aux monopoles transnationaux, principalement états-uniens – ce qui transparait d’ailleurs par l’empressement de Legault à rencontrer Trump et Musk avec la bénédiction des cloches nouvellement rutilantes de Notre-Dame à Paris…
L’heure n’est pas à rassurer les États-Unis et leurs monopoles en leur proposant de devenir un « Dollarama de l’énergie », mais plutôt à développer massivement notre secteur hydro-électrique en tant que vecteur de souveraineté économique et énergétique. Au lieu d’en faire une marchandise lucrative à échanger sur les places fortes financières, un gouvernement populaire devrait en faire une utilité publique et un levier de développement pour s’attaquer au pouvoir des monopoles plutôt que de le renforcer.
Contrairement à l’entente à venir brandie comme victoire imminente dans le dossier de Muskrat Falls entre Hydro-Québec et le gouvernement de Terre-Neuve – et – Labrador, qui permet au Québec de s’y approvisionner à rabais (0,2 centimes le Kwh) pour le revendre à 9,75 cents à New-York, l’heure est à une nouvelle conception des flux énergétiques. Au lieu de s’articuler du nord vers le sud (soit vers les États-Unis, héritage de l’époque où les monopoles états-uniens contrôlaient l’ensemble de nos rivières et de nos ressources naturelles), celui-ci devrait s’orienter sur un axe « est – ouest ». Un tel système intégré permettrait aux travailleurs, peuples et nations du Canada d’assurer leur développement économique envers et contre les monopoles pour peu que l’on extraie l’hydroélectricité du contrôle des féodalités économiques.