Les 16 et 17 novembre derniers, Québec solidaire tenait son congrès de 2024. Tout semblant être acté d’avance, le Parti communiste du Québec se pose la question suivante : « à quoi bon? »

En effet, la dernière année a été mouvementée pour Québec solidaire, notamment avec la démission de sa co-porte-parole féminine, Émilise Lessard-Therrien élue quelques mois plus tôt à peine. Ex-députée solidaire, il ne fait aucun doute que sa victoire à quelques voies près de celle qui bénéficiait de l’adoubement des ténors du parti, Ruba Ghazal, détonnait avec le virage électoraliste de QS.

Que sa démission ait été provoquée ou non importe peu, mais arrive à point nommé, soit dans un contexte où le parti cherche à muer et s’intégrer de plus belle au vaudeville de la politicaillerie de salon.

Or, pour y parvenir, trois éléments étaient nécessaires. D’une part, il fallait en finir avec cette idée de direction bicéphale, particulièrement si l’un des deux éléments n’appartient pas au « caucus » élu. La démission de Lessard-Therrien a réglé ce problème. Ensuite, il fallait rendre le programme plus « pragmatique ». La Déclaration de Saguenay s’est occupée de dégager cette couche de poussière notamment en évacuant la question des nationalisations dans la foresterie et en mettant l’accent sur les préoccupations des couches moyennes plutôt que celles des travailleurs…

Tout était couru d’avance, d’autant plus que Ruba Ghazal n’avait devant elle qu’une chaise vide. Si arrogants, les dirigeants de QS ont eu le culot de la présenter comme co-porte-parole des semaines avant ce congrès. Bonjour la démocratie!

Il ne restait qu’un élément pour compléter le dernier battant du triptyque : « dépoussiérer » les statuts. Le but reste le même : s’assurer de renforcer l’emprise des élus (le « caucus ») sur les membres et les instances démocratiques, puis en finir avec l’anomalie des groupes thématiques pour achever la conversion de QS en parti social-démocrate bien établi dans l’appareil étatique bourgeois.

Un « nationalisme ouvert »

Quelques instants après la conclusion du Congrès, la co-porte-parole finalement élue (avec 91% des suffrages) s’est entretenue à l’émission « Tout le monde en parle ». Outre les tenants et aboutissants de son élection, elle s’est étendue sur la nécessité d’un « nationalisme ouvert » comme moyen de propulser Québec solidaire vers de nouveaux horizons.

Ni ouvert, ni étroit, en période de crise, la classe ouvrière n’a besoin d’aucun nationalisme. Elle a besoin d’emplois, de conditions de travail et de salaires décents, de services véritablement publics et de qualité, de droits démocratiques et syndicaux renforcés. Or, aucune de ces conquêtes ne passe par l’une ou l’autre forme de « nationalisme ». Elles sont au contraire tributaires d’une lutte qui ne connaît aucun raccourci, aucune facilité : celle qui unit les forces vives au-delà des questions identitaires et les jette dans la bataille contre les monopoles.

Les idéaux que sont l’abolition du patriarcat, le travail libre de toute aliénation, l’émancipation du racisme et de la xénophobie, le droit à l’autodétermination des nations québécoise et autochtones, etc. ne sont que des vœux pieux tant que l’on ne les subordonne pas à la lutte contre les monopoles, lutte qui doit s’articuler de façon concertée dans la rue, sur nos lieux de travail comme au parlement.

QS : parti des monopoles?

Que Québec solidaire ne représente plus une coalition de forces progressistes, ni même d’une voie vers un possible changement qualitatif politiquement comme socialement ne fait aucun doute. Il y a longtemps que cette formation sociale-démocrate a remplacé l’idée d’opposition aux monopoles par celle d’opposition « constructive » à l’Assemblée nationale, donc aux partis des monopoles. 

Ce n’est pas pour autant que QS représente un parti issu des monopoles, mais plutôt un parti d’accompagnement de leur pouvoir.

Cette situation n’est pas armée dans le béton. On ne peut exclure que, particulièrement dans une situation de crise, le capital ne recoure à une formation comme QS comme soupape de la même façon que les monopolistes grecs ont jeté leur dévolu sur Syriza qui a fini par imposer les pires memoranda à l’égard des masses populaires. Leur but étant de garantir une forme de « paix industrielle ».

Pour l’instant, Québec solidaire ne suit que la trajectoire classique de tout parti social-démocrate. Comme le capitalisme concurrentiel libéral qui a propension à devenir monopoliste (donc impérialiste), la social-démocratie s’ingénie à gagner la confiance des monopoles. Or, ceux-ci n’ont aucun intérêt à revoir leur tactique et y intégrer Québec solidaire. D’autre part, la classe ouvrière n’a aucune raison de se vendre au plus offrant.

En définitive, tant qu’il n’y aura pas de Parti communiste indépendant renforcé, il n’est aucunement question de parler d’unité de la gauche; car l’anticommunisme en est le principal obstacle, celui qui fait le lit de l’extrême-droite.