Le Parti communiste du Québec (PCQ-PCC) accueille avec réserve et mitigation les récentes ententes potentielles tant aux tables sectorielles qu’à la table centrale convenues entre les syndicats et le gouvernement. À l’heure actuelle, la FAE et le Front commun, soit l’ensemble des syndicats représentant la vaste majorité des salarié-es du secteur public, semblent avoir abouti à des ententes négociées. Celles-ci devront être approuvées par ces derniers avant d’être ratifiées.
D’une part, on doit souligner le courage et la détermination des forces syndicales. La FIQ et le Front commun ont cumulé 11 jours de grève tandis que la FAE s’est engagée dans une grève générale illimitée durant un mois. Au pic des journées de grève, plus de 10 % de la force de travail québécoise débrayait. De même, la population en général s’est majoritairement solidarisée aux demandes syndicales.
En ce sens, on peut annoncer une victoire populaire contre le gouvernement Legault. En effet, ce dernier a vraisemblablement été contraint de reculer devant son projet initial d’user les syndicats à la corde dans le but d’imposer sa feuille de route mandatée par les monopoles. On se rappelle les sorties antisyndicales de différents ténors du gouvernement dont Legault lui-même qui affirme que les services publics ne devraient pas être gérés par les syndicats, ou encore les annonces groupées à l’effet qu’une augmentation salariale serait négociable en échange d’une plus grande « flexibilité »…
Sans nul doute, le gouvernement Legault espérait provoquer une crise sociale dans le but de casser le mouvement syndical. Or, l’unité, la détermination des salarié-es et celle de la population semblent l’avoir empêché d’imposer son plan.
D’un autre côté, il est impossible de savoir présentement quelles ont été les concessions syndicales aboutissant à ces ententes. Les membres auront la responsabilité de trancher. Selon les dépêches, il semble qu’en général, le principe de rattrapage salarial et d’enrichissement des travailleur-euses est maintenu tout comme celui de bonification des conditions de travail. Si tel est réellement le cas, il s’agit d’une victoire sur toute la ligne.
Comme l’affirmait Maurice Thorez (Secrétaire général du Parti communiste français) à la fin des grèves de 1936 qui ont porté au pouvoir le Front populaire : « Si le but est maintenant d’obtenir satisfaction pour les revendications de caractère économique tout en élevant progressivement le mouvement des masses dans sa conscience et son organisation, alors il faut savoir terminer [une grève] dès que satisfaction a été obtenue. » Il ajoute : « Nous ne jouons pas, nous, avec la classe ouvrière, nous ne sommes pas une poignée d’irresponsables. »
De deux choses l’une : s’il s’agit réellement d’une victoire sur les thèmes les plus essentiels, il est hors de question de laisser le gouvernement Legault s’approprier cette victoire en tant qu’institutionnalisation du « dialogue social » entre le capital et le travail. Le mouvement syndical devra accaparer cette victoire et s’en servir pour renforcer le rapport de forces en faveur du travail contre le capital pour les batailles à venir. D’autre part, si les revendications sont jugées insatisfaites par les salariés, la lutte doit continuer de plus belle.
Autrement dit, dans les deux cas, la lutte doit continuer. On a vu, avec cette lutte, que les forces vives existent pour tenir en respect le pouvoir des monopoles, y compris leurs porte-paroles politiques. Pour que cette mobilisation ne se réduise pas à un coup d’épée dans l’eau, le mouvement syndical doit aller au-devant des combats socio-économiques. Présentement, la CAQ prépare plusieurs fers au feu pour s’en prendre aux syndicats, aux conditions de travail, à la santé publique (PL15), à l’éducation (PL23), à la formation professionnelle en construction, au logement (PL31) et aux transports publics. Dans toutes ces batailles, l’unité et le rapport de forces conquis à travers ces dernières négociations doivent servir de pierre angulaire pour bâtir une riposte populaire contre le pouvoir personnel de Legault et celui des monopoles.
Ainsi, qu’il y ait retour au travail au gui l’an neuf ou non, le mouvement syndical doit se maintenir mobilisé et organisé. En effet, rarement a-t-on vu une conjoncture qui lui soit aussi favorable (dépréciation de François Legault et de son gouvernement, appui majoritaire aux demandes salariales et socio-économiques de la part de la population générale notamment). Il y a là un large boulevard pour infliger une défaite importante aux monopoles et à leur feuille de route. Il s’agit d’en avoir la volonté politique et de trancher avec l’illusion selon laquelle les politiques du capital ne peuvent être renversées que par l’élection d’un nouveau gouvernement, donc de tourner le dos à l’illusion du « dialogue social ».
Car devant le capital et ses politiques, on ne négocie pas : on bâtit un rapport de forces pour le contraindre à lâcher du lest jusqu’à ce qu’en définitive, la classe ouvrière assume le pouvoir politique, soit jusqu’à l’édification du socialisme.