Il y a pratiquement un an, la ministre du Logement, France-Élaine Duranceau, annonçait le projet de loi 31 dont la disposition principale – et la plus anti-populaire – consiste en l’abolition du mécanisme de cession de bail[1]. Cette mesure anti-populaire est adoptée huit mois après sa présentation et ce, malgré la pression populaire.

Or, ne voilà-t-il pas que le gouvernement Legault étend la loi « Françoise David » en protégeant 54 000 ainés de plus en matière d’éviction, puis d’imposer un moratoire sur les évictions générales pour les trois prochaines années à venir.

Évidemment, ces mesures sont loin d’être suffisantes pour ne serait-ce qu’endiguer la crise du logement actuelle, d’autant plus que le moratoire prévu soit surtout cosmétique. En effet, il n’empêche ni ne limite la hausse des loyers qui, en cas de défaut de paiement, demeure un motif d’expulsion valable.

Le gouvernement Legault ne s’est pas découvert soudainement une fibre sociale. Il n’a pas non plus développé une sympathie outre mesure en faveur des locataires les plus vulnérables…

Il s’agit en fait d’une habile manœuvre politique. 

Élue pour appliquer à la lettre la feuille de route des monopoles, la CAQ s’est engagée dans une série d’attaques contre les différentes conquêtes sociales. Démantèlement de ce qui reste de la santé publique; compétition accrue entre l’éducation publique, privée et semi-privée; fin du monopole public d’Hydro-Québec; dé-financement des transports publics; contre-réforme en construction censée flexibiliser la main d’oeuvre; bras de fer avec les salariés du secteur public, etc; bref, toutes ses politiques antipopulaires ont tôt fait de ternir l’image de la CAQ. Sa position dans les récents sondages en est la preuve.

Ainsi, et nous pouvons nous attendre à d’autres mesures du genre au cours des prochaines années, l’expansion de la loi « Françoise David » et le « moratoire » sur les évictions servent de contrepoids pour faire oublier les attaques sournoises contre nos conquis sociaux en cours d’ici les élections générales de 2026.

La manœuvre est pourtant plus pernicieuse. En effet, on se rappelle que c’est Québec solidaire qui cherchait à amender – pour des raisons purement politiques – le PL31 afin d’y inclure la loi « Françoise David ». La CAQ qui consent aujourd’hui à cette expansion représente un habile calcul politique et ce, sur deux plans.

D’une part, elle offre un cadeau à Québec solidaire qui peut en récolter les fruits. Le but est de monter le PQ et QS l’un contre l’autre, soit diviser les oppositions potentiellement nuisibles à la CAQ.

D’autre part, cette dernière, en allant plus loin que ce qu’aurait envisagé QS (même le PQ trouvait que la formation de gauche négociait « trop mollo » avec la CAQ) permet au parti au pouvoir non seulement de se présenter comme consensuel, mais encore de doubler sur la gauche le parti qui se veut le plus anti-Legault au Salon bleu.

Dans un tel contexte, le Parti communiste ne peut que déplorer l’ensemble des manœuvres politiciennes, celles de la CAQ en premier lieu, mais aussi celles de Québec solidaire et des autres partis politiques à l’Assemblée nationale.

Contrairement à eux, nous nous saisissons de la crise du logement non pas pour des considérations politiciennes ni pour des intérêts électoralistes. Au contraire, nous voyons dans cette crise un pan de la crise multifacétique du capitalisme et luttons contre le pouvoir politique des monopoles.


[1] LOI 31 : QUAND LE DROIT DE SPÉCULER PRIME SUR LE DROIT DE SE LOGER