Le Parti communiste du Québec condamne le projet de loi 31 déposé par la ministre de l’Habitation France-Élaine Duranceau le dernier jour de la session parlementaire. Véritable accélérateur de la spirale spéculative et attaque frontale contre les locataires (environ 40% de la population québécoise), ce projet de loi doit être battu en brèche dans son ensemble. Il n’est ni amendable ni modifiable.
Sous prétexte de rééquilibrer le marché locatif, la CAQ offre des garanties aux propriétaires et aux spéculateurs exclusivement, comme si ces derniers étaient la solution à la crise du logement qui fait rage depuis au moins deux ans. Outre la fin des cessions de bail qui permettent de se loger aux mêmes frais et conditions que l’ancien locataire, la CAQ propose des pretia doloris empoisonnés. Parmi ceux-ci, en cas d’éviction, le fardeau des procédures au près du Tribunal administratif du logement incombent au propriétaire et non plus au locataire. Il reste que ce dernier doit assumer le fardeau de la preuve : c’est à lui de prouver a priori la mauvaise foi de son logeur. De surcroit, la modification en matière d’indemnisation en cas d’éviction passe de trois mois de loyer à un mois de loyer par année d’occupation. Le leurre ici est manifeste : pour recevoir trois mois de loyers de compensation, il faut avoir occupé le même logement durant trois ans! Pour ce qui est des autres qui seraient en mesure de gagner au change, la récente augmentation fulgurante des loyers aura tôt fait de gommer les pertes des spéculateurs.
À ce propos, les chiffres sont clairs : en 2022, les loyers ont explosé avec une hausse moyenne de 13,7%, soit la plus importante des vingt dernières années. Cette statistique composite masque le fait que dans certaines villes, notamment Cowansville et Shawinigan, l’augmentation atteint plus de 40%. Les taux d’inoccupation sont les plus bas des vingt dernières années, ce qui fait qu’en moyenne, à Montréal, il faut consacrer 43% de ses revenus au logement tandis que 150 000 ménages y allouent plus de 50% au Québec. De même, entre 2011 et 2021, le taux de propriétaires est passé de 69% à 66,5%, ce qui fait du Québec la province canadienne avec la plus importante proportion de locataires.
Pourtant, selon François Legault, la cherté des loyers est attribuable aux salaires plus élevés et qu’il s’agit ainsi d’une « conséquence négative d’un bien être économique ». Or, un calcul rapide nous permet de défaire ce mythe : comment expliquer que les salaires aient augmenté de 5,8%, soit près de 8 points de pourcentage déficitaires par rapport à l’augmentation des loyers?
Avec la même arrogance, la ministre de l’Habitation fustige les cessions de bail qu’elle compare à de la fraude fiscale puisque ces dernières constituent une entrave au « droit de propriété des propriétaires ». Cette courtière immobilière spécialisée dans les flips verse également dans le prosélytisme : elle a fait inscrire sa partenaire d’affaires en tant que lobbyiste et ses collègues de la CAQ, malgré la grogne, n’y voient que du feu. Ils persistent et signent lorsqu’elle affirme sans vergogne que les locataires qui veulent se prévaloir de leur « luxe » de refuser une hausse de loyer n’ont qu’à investir et devenir propriétaires… Statistiques Canada est pourtant clair à cet effet : avec le taux directeur en hausse constante et les répercussions induites, les frais de logement augmentent plus vite pour les locataires que pour les propriétaires.
De ces deux choses l’une : la CAQ vit dans un monde parallèle où les salaires attisent l’inflation tandis que la crise du logement peut être palliée par plus de spéculation!
Preuve que laisser le logement aux mains du privé nous prive de logements, avec la hausse des taux d’intérêt, entre mai 2022 et mai 2023, les mises en chantier ont chuté de 73% à Montréal…
Communistes, nous savons que la crise du logement actuelle n’est en fait qu’un aspect de la crise du capitalisme stimulée par une classe capitaliste parasitaire qui n’a d’autre intérêt que de faire fructifier son capital. Si pour y parvenir elle doit mettre à la rue et appauvrir les masses laborieuses, ce n’est qu’un mal pour son propre « bien être économique »…
Ainsi, nous appelons les mouvements démocratiques et populaires, en particulier les associations de locataires ainsi que les syndicats à intensifier la lutte contre le projet de loi 31, mais plus globalement, afin de s’attaquer frontalement à la spéculation immobilière. Après tout, le droit au logement est enchâssé dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme de l’ONU en 1948. S’il est vrai que protéger les cessions de bail peut servir en dernier recours, il n’en demeure pas moins que cette lutte ne peut être pensée en dehors d’une lutte plus globale pour le contrôle des prix des biens de première nécessité, la nationalisation des secteurs clés de l’économie et pour l’augmentation générale des salaires; bref d’une lutte visant à restreindre le pouvoir des monopoles, premier responsable de la crise du logement, de l’inflation, du chômage et des salaires de misère.