Le Parti communiste du Canada dénonce l’ingérence des États-Unis, de l’Union européenne et des pays membres de l’OTAN dans les affaires intérieures du Bélarus. Le Parti exige que le gouvernement canadien mette fin immédiatement à son implication dans la campagne pour déstabiliser le pays et qu’il rétablisse des relations diplomatiques avec le gouvernement élu d’Alexandre Loukachenko.
Des sources officielles montrent que Loukachenko a remporté l’élection présidentielle du 9 aout dernier. De nombreux progressistes, notamment le Parti communiste du Bélarus, le soutiennent. Même si elle n’a reçu que 10 pour cent des voix, la candidate de l’opposition Svetlana Tikhanovskaïa s’est déclarée gagnante et a exigé un transfert de pouvoir. Seulement quelques heures après l’élection, Tikhanovskaïa s’est entretenue avec le sous-secrétaire d’État américain Stephen Biegun et a annoncé la création d’un « Conseil de coordination » pour organiser les manifestations antigouvernementales.
Les observateurs internationaux ont pourtant scruté l’entièreté du processus électoral. Le président de Communauté des États indépendants (CEI) Sergei Lebedev a décrit l’élection comme « légitime » et « conforme aux lois […] compétitive et publique ». L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour sa part a refusé d’envoyer une équipe d’observateurs. L’OSCE a justifié cette irrégularité dans plusieurs déclarations contradictoires. Citant d’abord la pandémie de COVID-19 comme principale raison en juillet, l’organisation a par la suite déclaré qu’elle n’avait jamais été invitée. Pourtant le Bélarus et la mission de la CEI ont invité l’OSCE. L’OSCE s’est par la suite révisée en prétendant que l’invitation était trop tardive (malgré l’annonce de l’élection en juin dernier).
L’Union européenne, les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni ont immédiatement déclaré l’élection frauduleuse et ont reconnu Tikhanovskaïa comme gagnante. L’absence de l’OSCE pendant l’élection est toujours la principale raison évoquée pour en venir à cette conclusion. Aucun de ces pays n’a fait état des tergiversations de l’OSCE ou n’a appuyé leur déclaration avec des preuves d’irrégularités. Au contraire, ils se sont cantonnés à répéter ad nauseam que Loukachenko est le « dernier dictateur d’Europe » tout en évoquant ses tactiques « de style soviétique ».
Le 17 aout, le ministre des Affaires étrangères du Canada François-Philippe Champagne a émis une déclaration qui exige une nouvelle élection et la tenue d’une « enquête approfondie […] par l’intermédiaire de l’[OSCE] ». Il a aussi indiqué s’être entretenu directement avec Tikhanovskaïa et a rappelé l’appui du gouvernement canadien à l’opposition.
Le même jour, le président du Congrès du Travail du Canada Hassan Yussuff a lui aussi émis une déclaration similaire.
Alors qu’on nous inonde de condamnations, d’accusations et d’appel au « changement de régime », la question se pose : pourquoi les pays impérialistes se préoccupent-ils autant de la situation actuelle au Bélarus ?
La présente campagne de déstabilisation tire ses origines d’une longue tradition d’opposition à Loukachenko et à ce qu’il représente. Le Bélarus demeure jusqu’à aujourd’hui le seul pays de l’Ex-URSS à ne pas avoir cédé aux campagnes néolibérales de privatisations massives et de coupures dans les services sociaux. Le pays a également résisté à la domination étrangère de son économie, contrairement à plusieurs pays de l’Est dévastés après le renversement du socialisme au début des années 1990. Même si le Bélarus n’est plus un pays socialiste, son gouvernement a préservé de nombreuses sociétés d’État dans plusieurs secteurs-clés de la production et a maintenu plusieurs programmes sociaux de l’époque. Le Bélarus a su conserver un haut niveau de souveraineté nationale malgré la pression grandissante de l’UE et de l’OTAN. Cette conjoncture explique la popularité constante de Loukachenko auprès du peuple, et ce malgré des concessions au capitalisme.
Les États-Unis ont intensifié leur agression en sanctionnant en 2004 le Belarus Democracy Act. Cette loi promulgue un financement pour les mouvements antigouvernementaux au Bélarus et interdit les prêts à ce pays. S’ajoute à cela une plus grande contribution financière du National Endowment for Democracy (NED) pour les groupes de l’opposition. Le NED est un organisme fondé par Ronald Reagan en 1983 et financé par le gouvernement américain. Le NED a participé à pratiquement toutes les opérations de changement de régime pilotées par les États-Unis au cours des 30 dernières années. L’an dernier seulement, le NED a remis plus de 34 subventions au Bélarus à des réseaux et à des groupes contre Loukachenko.
Loukachenko représente un obstacle face aux plans de l’impérialisme en Europe de l’Est, à l’inverse de sa rivale Tikhanovskaïa qui souhaite une plus grande « intégration » du pays à l’UE et à l’OTAN. Le parti de Tikhanovskaïa demande également la liquidation des sociétés d’État à des intérêts étrangers, la marchandisation des terres, la privatisation des logements sociaux et des services publics. Il s’agit là de la même stratégie néolibérale présentée à la Yougoslavie lors de la Conférence de Rambouillet en 1999. Le refus de se plier aux demandes a entrainé une campagne de bombardement de 10 semaines par l’OTAN. La situation au Bélarus est également très similaire à celle du coup en Ukraine en 2014. À l’époque, les gouvernements impérialistes soutenaient explicitement les groupes antigouvernementaux et des milices fascistes pour forcer l’intégration du pays dans la sphère d’influence de l’UE et à l’OTAN et faciliter l’encerclement de la Russie.
Alors que les médias d’ici couvrent exclusivement les manifestations antigouvernementales, ils font fi des énormes manifestations pro-Loukachenko. Des syndicats et des groupes de gauches opportunistes relaient cette couverture malhonnête. Jusqu’à présent, l’appui à Loukachenko est si grand que les groupes antigouvernementaux ont dû rétracter plusieurs de leurs demandes. Alors qu’ils demandaient après l’élection un changement de régime immédiat, les groupes d’oppositions demandent maintenant au président français Emmanuel Macron de superviser la démission de Loukachenko.
L’escalade de l’ingérence et des menaces des États-Unis et de l’Union européenne augmentent dramatiquement le danger de violence et de conflit. Dans le cas de la Yougoslavie, l’agression impérialiste s’est soldée par la destruction de nombreuses infrastructures essentielles, la mort de plus de 2000 personnes et le déplacement de plus de 200 000 personnes. L’ingérence en Ukraine par les États-Unis, l’Union européenne et l’OTAN a causé de violents pogromes contre les Ukrainiens russophones, les syndicats et la gauche dans le pays. Cette agression a aussi vu la résurgence et la légitimation de groupes fascistes en Ukraine, qui ont bénéficié d’aide matérielle et d’entrainement.
Le Parti communiste du Canada exprime sa solidarité avec la classe ouvrière et le Parti communiste du Bélarus qui luttent depuis plus de trois décennies contre l’impérialisme et le néolibéralisme et doivent maintenant affronter l’interférence et l’agression.
Nous exigeons du gouvernement canadien de respecter le droit international et le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un autre État. Nous demandons qu’il retire immédiatement son soutien à la campagne de déstabilisation politique au Bélarus menée par les États-Unis et l’Union européenne. Enfin, nous réclamons que le gouvernement du Canada renoue des liens diplomatiques et économiques avec le Bélarus et son gouvernement élu démocratiquement.
Le Parti communiste encourage aussi les syndicats et les organisations pacifistes et progressistes à s’opposer à l’ingérence étrangère contre le Bélarus, incluant celle du Canada.