LE GOUVERNEMENT LEGAULT FACE À SES RESPONSABILITÉS

Éditorial – Clarté Septembre 2020

Les chiffres sont clairs : la pandémie de COVID19 a frappé le Québec, plus particulièrement Montréal, de plein fouet. Avec 725 cas confirmés pour 100 000 habitant-es (contre une moyenne de 332 dans le reste du Canada) et 67 morts pour 100 000 habitant-es (soit un des plus hauts taux au monde, pire que l’Italie ou les États-Unis), le Québec bat des records peu élogieux.

Devant cette situation, François Legault se veut rassurant. Il nous fait croire que tout est sous contrôle. Tout est tellement sous contrôle qu’à l’instar de Bolsonaro, il renvoie la ministre de la Santé et la remplace non pas par un militaire mais… par un gestionnaire et ce, en pleine pandémie! Tout est sous contrôle, sauf dans les CHSLD, sauf dans les 46 écoles qui ont recensé au moins un cas… Sauf…

Tout est sous contrôle, c’est ce qu’il répète à longueur de tribunes que la presse vénale lui prête avec enthousiasme depuis le mois de mars. Personne n’ose le critiquer de front et il apparait systématiquement comme l’homme de la situation. Il est donc peu étonnant que sa popularité atteigne 48% malgré tout…

Pourtant, l’hécatombe dans les CHSLD n’est en fait que le résultat d’une logique de décennies de coupes dans la santé et les services publics, de privatisation de pans entiers de nos services sociaux (les CHSLD en sont un exemple). À l’été 2019, on s’inquiétait déjà de la vétusté des hôpitaux. La situation était telle que 323 millions de dollars auraient été nécessaires pour corriger la situation.

Or, cette logique de marchandisation des services publics, François Legault l’a accompagnée pour ne pas dire qu’il en est un des principaux responsables. Ministre de l’Éducation sous Lucien Bouchard à l’époque du « déficit zéro » (qui a imposé plus de trois milliards de dollars en coupes au réseau de l’éducation et de la santé), il n’a pas rétabli le financement du réseau de la santé en 2002 lorsqu’il devient ministre de la Santé, loin de là. Les sept hôpitaux de Montréal qui ont été abandonnés lors du déficit zéro n’ont pas été rouverts (ils ont été « remplacés » par deux méga-hôpitaux financés en partie par des capitaux privés, et dont le potentiel de lits est nettement moindre à celui dont bénéficiaient les Montréalais-es). Il n’a pas non plus réembauché les milliers de travailleur-euses du réseau de santé (c’est quand même 10% de tout l’effectif qui avait été « purgé »). Plus récemment, à l’austérité budgétaire libérale et à la réforme Barrette qui a complètement désorganisé le système de santé, il n’a eu aucun commentaire sur le fond, si ce n’est « trop peu, trop tard ».

Le fond de l’histoire, c’est que François Legault se rit des services publics (sauf quand il s’agit de les privatiser) et la santé publique est reléguée au second plan, derrière l’économie (pour les patrons, va sans dire). Sa priorité, c’est le retour à la normale (traduction : business as usual), d’où un déconfinement chaotique et précipité à Montréal, une rentrée des classes désordonnée dont on ne peut évaluer les conséquences pour l’instant, mais aussi la justification de l’urgence sanitaire pour envoyer des employé-es du service public au casse-pipe au mépris bien souvent de leurs conventions collectives, du reste échues. Au diable les négociations!

À la fin de la session parlementaire, Legault a essayé de faire passer en force son projet de loi 61, qui lui aurait donné carte blanche pour imposer l’état d’urgence sanitaire et gouverner par décret. Son objectif principal était de rouvrir au plus vite les chantiers de construction. Le projet n’a pas obtenu la sanction des parlementaires, mais Premier Ministre s’est empressé de déclarer qu’il reviendrait à la charge à l’automne.

Nous ne pouvons le laisser faire. La pandémie de COVID19 a prouvé ce que nous savions : les services publics, en particulier le système de santé, ne sont pas en mesure de garantir la santé de la population, en particulier des masses laborieuses. Pendant ce temps, il prépare la reprise, une reprise dans laquelle l’expansion et le monopole public des services sociaux, leur refinancement massif ne sont pas à l’ordre du jour. Il essaie par tous les moyens de faire capoter les négociations du secteur public (sans doute un des objectifs de la loi 61) pendant qu’il assure ses partenaires de choix du Québec inc qu’ils n’auront pas à payer la note des 15 milliards de dollars de déficit.