La COVID-19 a retiré au capitalisme son lustre, dévoilant les fortes inégalités basées sur le genre, la racialisation et la capacité. Selon l’Organisation des Nations Unies, les femmes forment la majorité des travailleur-euses dans les secteurs de l’économie les plus sévèrement touchés par les fermetures en lien avec la pandémie.
Au Canada, les femmes sont deux fois plus susceptibles de perdre leur emploi que les hommes. Plusieurs femmes ont dû quitter leur emploi ou travailler moins d’heures pour prendre soin de leurs enfants et membres de leur famille. À cette perte de revenus s’ajoute le double-fardeau dont elles sont victimes. Les effets à long terme comprennent la perte d’ancienneté et d’opportunités d’évolution dans leur carrière. La perte d’emplois, de revenus et de bénéfices se soldent par de plus faibles pensions de retraite et un danger de paupérisation à long terme.
Globalement, les femmes constituent 70% de la force de travail en santé, sur la ligne de front. Présentes au cœur du système de santé, des secteurs du détail et des services, les femmes salariées font face à de plus grands risques d’infection et des conditions de travail dégradées. Celles qui sont privées d’emploi trouvent peu d’opportunités de travail qui ne soient pas précaires, à temps partiel, temporaires et sous-payés. Louées comme héroïnes, les professionnelles de la santé ont toujours à lutter pour une compensation adéquate et des conditions de travail sécuritaires.
Pour d’autres, la situation est catastrophique. Le « Bulletin de l’égalité des genres en période de COVID-19 » des Fonds d’Action et d’Éducation Juridique pour les Femmes de la Côte Ouest (West Coast LEAF) rapportent qu’un « sondage mené auprès de plus de 200 professionnel-les de la santé migrant-es au Canada a trouvé que plus du tiers des répondants a perdu leur emploi durant la pandémie (et aussi leur foyer, dans le cas des travailleur-euses logés). De ceux et celles qui gardé leur emploi, plusieurs sont victimes de vols de salaire, de surmenage et de restrictions abusives de leurs libertés individuelles. Un sondage de personnes handicapées et souffrant de problèmes de santé à long terme a révélé que plus d’un tiers a perdu son emploi ou a vu ses heures de travail diminuées entre février et avril, et que 61% peinent à combler leurs besoins essentiels […] Le taux d’emploi pour les personnes d’ethnicité arabe, noire ou asiatique du sud-est demeure dramatiquement inférieur à celui de leurs homologues blancs et diminue encore plus pour les personnes issues des Premières Nations vivant à l’extérieur des réserves. Plusieurs travailleur.e.s du sexe ont fait face à la ruine financière comme conséquence de la pandémie. »
Pendant ce temps, le racisme systémique dans le système de santé canadien a également été dévoilé. Joyce Echaquan, une femme attikamekw est décédée après avoir enregistré le racisme et les abus qu’elle a vécus alors qu’elle était hospitalisée à Saint-Charles-Borromée, au Québec . Le racisme systémique auquel sont confrontées les Autochtones dans le système de santé de la Colombie-Britannique est souligné dans un rapport de la vérificatrice générale, M.E. Turpel-Lafond (Aki-Kwe).
Les tensions produites par l’isolation, la perte d’emplois, la baisse des revenus et la proximité constante ont augmenté le nombre de cas de violence conjugale, une tendance que l’ONU appelle la « pandémie fantôme. » Les statistiques du gouvernement canadien indiquent que la violence entre partenaires intimes a augmenté de 20 à 30 % durant la crise du coronavirus. Les taux sont plus élevés pour les femmes et filles des Autochtones ainsi que pour les personnes de genres diversifiés.
Les services pour celles qui s’échappant de la violence conjugale, déjà insuffisants, sont de plus en plus di ciles d’accès durant les fermetures induites par la pandémie. Les maisons de transition à travers le pays avertissent que les victimes restent souvent dans des situations abusives, timorées à l’idée de s’enfuir vers un refuge de peur de ne plus trouver d’hébergement par la suite.
Les luttes autour de ces enjeux doivent continuer dans l’avenir, alors que nous nous battons pour regagner les avancées dont bénéficiaient les femmes avant la pandémie. Mais la pandémie offre aussi l’occasion de s’unir contre le système qui a été incapable de nous protéger, nous, nos familles et garantir notre avenir. L’unité contre cette crise du capitalisme peut nous amener au-delà du « retour à la normale » en revendiquant de nouvelles conquêtes.
Cette lutte requiert un mouvement organisé et structuré. Cela fait maintenant plus de deux décennies que le Comité canadien d’action sur le statut de la femme a été pratiquement supprimé par les coupures de financement du gouvernement libéral de Jean Chrétien. Pour propulser la lutte pour l’égalité des genres, nous devons reconstruire une organisation des femmes pancanadienne, qui puisse unir les féministes des nations autochtones, du Canada anglophone, du Québec et d’Acadie autour d’un programme de changement radical.
Le patriarcat est intrinsèquement lié au capitalisme. Tandis que mettre fin au capitalisme ne va pas automatiquement mettre fin au patriarcat, la vraie libération des femmes n’est possible que sous le socialisme, une société exempte de toute exploitation et toute oppression.
L’unité autour dans la lutte pour une sortie populaire de cette crise est le chemin à suivre.
Pour une réforme profonde de l’Assurance chômage :
Rendons l’Assurance chômage non-contributoire et l’étendre de sorte qu’elle couvre tous les travailleur-euses incluant les salarié-es à temps partiel et les primo-demandeurs d’emploi et ce, pour toute la durée du chômage. Les prestations devraient couvrir 90% du dernier revenu ou du salaire moyen. Protégeons les femmes et leur droit de se prévaloir de l’Assurance chômage et des allocations de maternité. Étendons les congés parentaux payés à 52 semaines.
– Des salaires viables :
Augmentons le salaire minimum à 23$ l’heure partout au pays, augmentons les pensions de retraite et réduisons son âge à 60 ans. Luttons pour un revenu annuel viable afin de remplacer et bonifier le régime de bien-être social.
– Équité salariale maintenant :
Légiférons, renforçons et assurons-nous que l’équité de salaire et d’emploi pour les femmes, pour les Autochtones, les personnes handicapées, racialisées et LGBTQ.
– Des programmes pour assurer l’égalité des femmes :
Construisons un système de garderies universel, gratuit et de qualité avec des normes pan-canadiennes et des salaires décents pour les puéricultuer-trices. Garantissons l’accès gratuit et public à l’avortement ainsi qu’aux droits reproductifs dans toutes les provinces et territoires.
– Des actions contre la violence et la discrimination :
Non à toutes les formes de violences contre les femmes et les personnes LGBTQ! Revendiquons un financement adéquat pour les centres de crise et les maisons de transition. Protégeons les personnes discriminées par leur orientation sexuelle et leur identité ou expression de genre ainsi que pour l’intégrité corporelle des personnes intersexe à travers des législations et leur application. Illégalisons les « thérapies de conversion » et exigeons le financement des associations LGBTQ et de celles qui luttent pour l’égalité des femmes. Adoptons un cadre légal pour la décriminalisation et la protection des droits humains et légaux des travailleur-euses du sexe.
– Des emplois de qualité pour tous et toutes :
Étendons les services publics et sociaux (garderies, soins à longue durée, assurance-médicaments, soins dentaires, oculaires et psychologiques). Construisons des infrastructures d’utilité publique, y compris un million d’unités de logement social, et ce en employant des technologies vertes et à travers des engagements égalitaires. Imposons par nos luttes une semaine de travail de 32 heures rémunérées à 40.