ÉLECTIONS MUNICIPALES 2021 : DES DIFFÉRENCES DE FORME, PAS DE FOND…

Les municipalités, comme premier pallier de gouvernement local, jouent un rôle non-négligeable dans l’amélioration des conditions de vie de la classe ouvrière et des masses populaires. La lutte des classes ne s’articule certes pas principalement à l’échelle municipale : ce n’est pas là que la confrontation capital – travail est la plus forte, loin s’en faut. Il n’en demeure pas moins que la plupart des partis municipaux sont en fait composés de notables locaux et ne servent en fait que de courroie de transmission pour imposer dans la sphère la plus locale les intérêts des grandes entreprises.

Partout au Québec, le choix pour ces municipales se résume à ceci : notables locaux, entrepreneurs privés qui espèrent utiliser le palier municipal à leurs profits, politicien-nes en puissance qui espèrent se faire un nom avant de faire le grand saut sur la scène provinciale ou fédérale pour le compte du parti le plus offrant, etc. Si certaines curies soutiennent des propositions au semblant plus progressiste, c’est toujours dans la limite du « raisonnable ».

En pleine crise du logement, leurs propositions à ce sujet sont similaires à celles de leurs concurrents. S’il y a des différences, elles sont somme toute, cosmétiques. Aucun des candidats ne s’engage à utiliser le droit de préemption des villes pour acheter les terrains à vendre en priorité et y construire des logements sociaux. Les batailles de chiffres à savoir qui construira plus de logements que qui sonnent creux, d’autant plus que ces propositions sont loin d’être chiffrées et que l’origine des sommes allouées à de tels chantiers n’est jamais claire.

Une proposition de gouvernement municipal progressiste devrait revendiquer la reconnaissance des municipalités dans la Constitution canadienne et le droit de lever des taxes aux entreprises afin d’alléger le fardeau fiscal des travailleur-euses et des petits commerçants, mais aussi afin de se doter des ressources nécessaires pour construire du logement social public à hauteur du nécessaire et contribuer à faire du logement un droit et non une marchandise. Or, au lieu de telles propositions, autant les curies qui se réclament du progressisme que les autres n’ont de mieux à proposer que des subventions aux entreprises. Les plus « progressistes » ciblent les compagnies « vertes » comme si parce que écologiques, les financer à coups de deniers publics était différent des autres types de transfert d’argents publics vers des intérêts privés…

Devant l’absence d’une réelle alternative, beaucoup perdent l’intérêt dans la politique municipale. Les taux de participation dangereusement faibles en sont l’illustration de même que l’élection par acclamation de plus de la moitié des maires du Québec. Ce faisant, la voie est toute pavée pour que les rapaces de la pire espèce, stipendiées par les promoteurs immobiliers et autres représentants de l’oligarchie financière, règnent en maitres sur les municipalités au détriment des intérêts de la vaste majorité de la population. La perche est également tendue à ceux et celles qui seraient tentés d’instrumentaliser le faible taux de participation aux élections municipales pour imposer des fusions ou tout autre acte nocif pour la démocratie locale. Ce ne serait pas inédit : la CAQ a passé en force l’abolition des Commissions scolaires francophones pour les remplacer par une structure pratiquement identique à cette différence près : l’absence d’élection des commissaires scolaires, c’est-à-dire, l’absence de contrôle démocratique sur nos écoles publiques. Rassembler certaines municipalités dans des structures d’intercommunalité avec un seul maire et conseil municipal participerait de cette même logique visant à liquider le peu de pouvoir local existant.

L’absence de réel pouvoir aux municipalités prive 80% des Québécois-es d’un contrôle effectif sur leur levier de pouvoir de proximité. Ce n’est pas fortuit. Si les municipalités doivent se résoudre à confiner leur action à des questions d’urbanisme et à l’application des décrets provinciaux, c’est tout bénéfice pour les grands monopoles. Contre eux, leurs politiques imposées à travers les gouvernements fédéraux et provincial, contre leur tendance à concentrer la production géographiquement, au détriment des localités éloignées des grands centres urbains, les villes, municipalités et villages ne peuvent opposer que peu ou prou de résistance, même à toute proportion gardée. Désarmées, elles ne peuvent même pas faire avec les « moyens du bord »…

En a parte, soulignons que Balarama Holness qui se présente comme la « troisième voie » dans la course à la mairie de Montréal, mais aussi comme un opposant à Legault à l’échelon municipal ne fait que renforcer cette tendance : son programme vise à faire évoluer Montréal en vase clos et à se servir du statut de métropole de la ville afin de s’arroger des privilèges financiers auxquels aucune autre ville ou municipalité du Québec n’a accès. Or, s’il est une ville qui est la mieux servie par le système actuel, c’est bien Montréal…

On pourrait également rappeler que pour Holness, l’indépendance de Montréal a ceci de réactionnaire qu’elle s’articule autour du refus de faire du français non seulement langue officielle du Québec, mais aussi et surtout, langue du travail… Évidemment, les principaux gagnants seraient les patrons des multinationales qui n’auraient plus à exiger ni de leurs cadres ni de leurs employés une connaissance minimale du français à Montréal…

Fiers d’une longue tradition allant dans ce sens, communistes, nous revendiquons une véritable réforme municipale. Nous ne sommes pas dupes : les villes ne sauraient être des oasis de progressisme dans un pays impérialiste. La lutte des classes ne s’articule pas en priorité à l’échelle municipale et inversement, penser la municipalité comme centre de la lutte des classes reviendrait à faire la même erreur que les Communards il y a 150 ans. Néanmoins, permettre aux villes de taxer les entreprises sur son territoire, leur permettre de municipaliser certaines entreprises-clés, établir, grâce à de tels leviers des services publics comme l’a fait Daniel Jadue (candidat à la présidence du PC chilien alors qu’il était maire de Recoleta) incluant une clinique oculaire et dentaire, ou alors construire des logements sociaux; tout ça permet de faire de l’élection municipale non pas un scrutin entre tel ou tel clan de la politique bourgeoise, mais plutôt un scrutin basé sur une véritable confrontation d’idées.

Également, même si les questions internationales relèvent du gouvernement fédéral, il ne demeure pas moins qu’un parti internationaliste comme le nôtre ne peut se saisir de l’échelon municipal pour renforcer la solidarité internationale et anti-impérialiste. Déjà, faire de nos villes et arrondissements des lieux de paix, exempts d’entreprises qui construisent du matériel militaire voire nucléaire est un premier pas. D’autre part, lutter pour une coopération de ville à ville avec des municipalités de pays victimes de l’impérialisme (Palestine, Sahara occidental, Venezuela, Cuba, etc.) peut se faire à travers des projets de jumelage.

Telles sont des propositions qui permettraient à nos gouvernements municipaux d’être perçus comme prenant part aux luttes populaires et non comme courroie de transmission des grandes entreprises et de leur chantage politique et économique. Telles sont des propositions qui feraient de l’échelon municipal un véritable échelon démocratique et qui inciterait la jeunesse, les travailleur-euses et les masses populaires à s’y impliquer. Mais c’est sans doute ce que la classe dirigeante craint…