CHANGEMENTS CONSTITUTIONNELS À CUBA, FAUT-IL S’EN INQUIÉTER ?

Cette année, la République de Cuba est l’hôte d’un exercice démocratique de grande envergure. Les Cubains ont à se prononcer sur des amendements proposés à leur constitution. Les amendements sont présentement discutés et enrichis dans le cadre d’une grande consultation populaire. Les suggestions de la population sont ensuite soumises à l’Assemblée nationale du pouvoir populaire qui fera la synthèse des propositions. La nouvelle constitution cubaine, qui émane de ce processus, sera adoptée ou rejetée par voie
de référendum populaire le 24 février 2019.

Parmi les amendements proposés à la constitution, celui de loin le plus véhiculé par les médias occidentaux, est la reconnaissance de la propriété privée à Cuba. Certains commentateurs réactionnaires célèbrent déjà le retour de Cuba à l’«utopie capitaliste» du temps du dictateur Batista. Une simple lecture des amendements montre pourtant qu’une grande partie des «journalistes» confondent leurs désirs avec la réalité tout en exposant leur biais idéologique.

Qu’en est-il ? Qu’est-ce que les cubains entendent par «reconnaissance de la propriété privée» ? Le secrétaire d’État cubain Homero Acosta expliquait récemment que de «reconnaître la propriété privée est la seule façon de la superviser ». Cuba souhaite reconnaître la petite entreprise, sortir les milliers de cuentapropistas de la clandestinité, en leur imposant un cadre législatif. Il y a toujours eu une économie parallèle illégale à Cuba et le gouvernement se donne maintenant les moyens de l’encadrer. Les médecins cubains pourraient vous le dire : « le premier pas vers le rétablissement c’est de reconnaître qu’il y a un problème». Malgré la reconnaissance de la petite entreprise, la nouvelle constitution cubaine identifie clairement l’entreprise publique et démocratique comme premier moteur de la prospérité et de la croissance de Cuba. Le secteur public compte actuellement pour plus de 85% de l’économie cubaine; le secteur privé moins de 15%. Bien loin d’une transition capitaliste, le gouvernement cubain encourage les petites coopératives comme modèle de gestion privée.

Parmi les autres amendements proposés, on retrouve l’«ouverture» de l’économie cubaine à l’investissement étranger sous la supervision du gouvernement central. On sait que la République populaire du Chine souhaite investir à Cuba. Cuba recevait déjà des investissements de la Chine, notamment pour la modernisation des ports de marchandises de l’île comme celui de Santiago de Cuba, ouvert cette année. Sous l’ancienne constitution cette «aide» est techniquement illégale.

Un autre amendement intéressant est le retour du rôle de premier ministre dans le système politique cubain. Dans l’éventualité d’un «oui» au prochain référendum, les responsabilités actuelles du président seront réparties avec celles du premier ministre. La nouvelle constitution entend limiter à deux mandats le temps passé au pouvoir du président et du premier ministre. Plusieurs droits, déjà garantis de facto à Cuba, sont inscrits dans la nouvelle constitution, comme l’accès à des soins de santé gratuits, le droit au logement décent, à l’éducation gratuite jusqu’à l’université et le droit à un emploi pour les adultes. Ces droits seront déclarés inaliénables.

Un autre amendement qui fait beaucoup parler est la modification de l’article 36 de la constitution cubaine. Dans sa nouvelle constitution, Cuba légalise le mariage entre conjoints de même sexe en modifiant l’actuelle définition du mariage de «l’union entre un homme et une femme» par «l’union entre deux personnes». Avec cette modification, Cuba devient le premier pays des Caraïbes à légaliser le mariage entre conjoints de même sexe. Cette victoire est le résultat d’un travail militant et d’une prise de conscience collective des droits des personnes LGBT sur l’île. Soulignons le travail dédié de Mariela Castro Espín, directrice du Centre national d’éducation sexuelle de Cuba, pour promouvoir l’acceptation de la diversité sexuelle, les droits des trans à Cuba et la couverture publique des chirurgies de transition. La réécriture de la constitution cubaine témoigne de l’attachement du peuple cubain pour le processus démocratique. Contrairement à ce que certaines forces de déstabilisation veulent faire croire, Cuba demeure solidement sur la voie du socialisme. Les amendements constitutionnels témoignent d’un désir de transparence, d’ouverture et sauvegarde des valeurs humaines et populaires de Cuba. Exprimons notre solidarité avec le peuple cubain en dénonçant le blocus américain et les mensonges des médias !