LES EMPLOYÉ.ES DE LA SAQ EN CROISADE CONTRE LA PRÉCARITÉ

Par Adrien Welsh
Cet article est issu de l’édition d’octobre 2018 du journal Clarté. Clarté est publié tous les deux mois par le PCQ. Les journaux sont disponibles en vente militante ou par abonnement.

Entretien avec Katia Lelièvre, Présidente du Syndicat des employé.es de magasin et de bureau de la SAQ.

Depuis le 23 juin dernier, les 5500 employé.es de la SAQ sont engagés dans un conflit social les opposant à leur employeur. Devant le refus de la direction de l’entreprise de négocier avec le syndicat, les salarié.es se sont aussitôt mis dotés d’un mandat de grève perlée de 6 jours endossé par 91% de l’effectif syndical afin de s’opposer aux offres patronales qui, selon la Présidente du Syndicat des employé.es de magasin et de bureau de la SAQ (SEMB-CSN), Katia Lelièvre, sont « nettement insuffisantes ».

Au sujet des offres salariales, la partie patronale n’offre qu’une augmentation de 1% par année, soit en-deçà du taux d’inflation, une offre inacceptable pour les employé.es à qui l’on demande, en contrepartie, de capituler sur leurs revendications quant aux conditions de travail.

Depuis que leur convention collective est tombée à échéance en mars 2017, les employé.es, tel qu’expliqué dans un tract syndical, tentent d’aboutir à une entente afin de diminuer la précarité des conventions collectives au sein de l’entreprise. La conciliation travail-famille-études, les horaires et la création d’emplois sont donc au cœur du litige.

Présentement, 70% des employé.es de la SAQ sont embauché.es à temps partiel, avec en moyenne des horaires de travail hebdomadaires de seulement 10 – 12 heures, selon les nécessités de l’entreprise. Même si l’entreprise fait miroiter la possibilité d’évolution, il reste qu’en région urbaine, il faut attendre 12 ans en moyenne avant d’obtenir un poste à temps plein. En région rurale, où il y a moins de succursales et où le taux de roulement est plus élevé compte tenu de la composition différente du profil de salarié.es (on retrouve en ville plus d’étudiants qui quittent l’entreprise une fois le cursus complété), le nombre d’annuités s’élève à 20 ans.

Pour ce qui est du 30% restant, les horaires atypiques sont la norme, en particulier le travail de fin de semaine. De plus, nombreux sont ceux et celles qui cumulent les tâches (conséquence d’un effectif réduit), compromettant ainsi la qualité du travail accompli.

Pour Mme Lelièvre, cette situation est une conséquence directe de la politique patronale. Pour elle, il est clair que « l’employeur fait tout pour créer le moins de postes possible. En ce moment, on obtient rarement plus que le plancher d’emploi prévu par notre convention collective. Le problème, c’est qu’il n’étale pas le travail de façon adéquate. » Elle ajoute que la majorité des heures ouvrées sont concentrées la fin de semaine, période de la semaine la plus rentable, et que « si le temps de travail était mieux réparti, on n’aurait pas cette situation de précarité à la SAQ. »

Cette situation de précarité, d’autant plus honteuse que la SAQ représente un monopole public, induit un taux de roulement record. « Cette année, de janvier à septembre seulement, on a eu 524 démissions. C’est presque 10% de notre effectif en moins d’un an. Et ce n’est pas un cas isolé. Sur une année, d’habitude on perd entre 13 et 14% de nos employés parce que les employé.es ont pas d’heures [de travail]» souligne la représentante syndicale.

Un autre effet de cette situation consiste en la réduction des perspectives de carrière au sein de l’entreprise. En clair, il est de moins en moins possible d’obtenir un emploi stable et de qualité à la SAQ, une tendance nettement marquée selon le syndicat.

C’est donc dans ces conditions que les employé.es ont décidé de se doter d’un mandat de six jours de grève à utiliser au moment opportun. À ce jour, trois jours de grève ont été convoqués les 17 juillet, 22 aout et 10 septembre derniers, les trois ayant des objectifs différents.

« Le 17 [juillet], l’objectif était de ralentir les livraisons, ce qui a eu un gros impact sur la machine de la SAQ parce que tout est roulé au quart de tour. On voulait montrer qu’on a un poids et qu’on est utiles dans l’entreprise. La deuxième journée de grève avait un objectif différent. On voulait plutôt s’adresser aux élus, parce que quoiqu’en dise le Premier ministre, c’est le Gouvernement qui a les deux mains sur le volant [de la SAQ]. »

La troisième journée de grève quant à elle était une grève surprise le 9 septembre afin de bien faire entendre les revendications des salarié.es.

Lorsque questionnée quant à la mobilisation, Katia Lelièvre souligne que « plus de la moitié des employé.es se sont déplacés lors des rassemblements », ce qui, selon elle, fait preuve d’un réel engagement, d’autant plus que les « membres ne sont pas toujours disponibles au même moment », conséquence sans doute de la disparité des horaires de travail.

C’est donc avec détermination que les 5500 employé.es de la SAQ sont engagés dans cette grève et il ne fait aucun doute que, bien qu’ils souhaitent conclure une entente, il n’est pas question de signer une convention collective à n’importe quel prix. Témoigner de sa solidarité auprès des grévistes est primordial, en particulier dans ces temps où les attaques contre les syndicats, contre la classe ouvrière organisée, se font de plus en plus fréquentes.

« Partout, on vit cette vague d’anti-syndicalisme, comme si les syndicats n’avaient pas leur rôle dans la société. Comme s’ils ne remplissaient pas leur rôle de répartir la richesse dans la société. On nous démonise, notamment à travers des campagnes médiatiques. Pourtant, il faut que tous et toutes travaillions ensemble pour redorer notre blason. » conclut Katia Lelièvre. ♦